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Souffrent des châtiments qui surpassent leurs crimes,
Ni que ce juste Dieu, créateur des humains,
Se plaise à déchirer l’ouvrage de ses mains :
Non, s’il est infini, c’est dans ses récompenses :
Prodigue de ses dons, il borne ses vengeances.
Sur la terre on le peint l’exemple des tyrans ;
Mais ici c’est un père, il punit ses enfants ;
Il adoucit les traits de sa main vengeresse[1] ;
Il ne sait point punir des moments de faiblesse,
Des plaisirs passagers, pleins de trouble et d’ennui,
Par des tourments affreux, éternels comme lui[2]. »
Il dit, et dans l’instant l’un et l’autre s’avance
Vers les lieux fortunés qu’habite l’Innocence.
Ce n’est plus des enfers l’affreuse obscurité,
C’est du jour le plus pur l’immortelle clarté.
Henri voit ces beaux lieux, et soudain, à leur vue,
Sent couler dans son âme une joie inconnue :
Les soins, les passions, n’y troublent point les cœurs ;
La volupté tranquille y répand ses douceurs.
Amour, en ces climats tout ressent ton empire :
Ce n’est point cet amour que la mollesse inspire :
C’est ce flambeau divin, ce feu saint et sacré,
Ce pur enfant des cieux sur la terre ignoré.
De lui seul à jamais tous les cœurs se remplissent ;
Ils désirent sans cesse, et sans cesse ils jouissent,
Et goûtent, dans les feux d’une éternelle ardeur,
Des plaisirs sans regrets, du repos sans langueur.
Là, règnent les bons rois qu’ont produits tous les âges,
Là, sont les vrais héros ; là, vivent les vrais sages ;
Là, sur un trône d’or, Charlemagne et Clovis[3]

  1. Dans les Conseils à M. Racine, ces vers sont ainsi cités :
    Adoucit-il les traits de sa main vengeresse?
    Punira-t-il, hélas! des moments de faiblesse?
  2. On peut entendre par cet endroit les fautes vénielles et le purgatoire. (Note de Voltaire, 1730.) Les anciens eux-mêmes en admettaient un, et on le retrouve expressément dans Virgile. (Id., 1746.)
  3. Il ne s'agit pas d'examiner dans un poëme si Clovis et Charlemagne, François Ier, Charles V, etc., sont des saints; il suffit qu'ils ont été de grands rois, et que dans notre religion on doit les supposer heureux, puisqu'ils sont morts en chrétiens, (Id., 1723.)