Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome8.djvu/189

Cette page n’a pas encore été corrigée

Sous des noms différents le monde entier l’adore :
Du haut de l’empyrée il entend nos clameurs ;
Il regarde en pitié ce long amas d’erreurs,
Ces portraits insensés que l’humaine ignorance
Fait avec piété de sa sagesse immense.
La Mort auprès de lui, fille affreuse du Temps,
De ce triste univers conduit les habitants :
Elle amène à la fois les bonzes, les brachmanes,
Du grand Confucius les disciples profanes,
Des antiques Persans les secrets successeurs,
De Zoroastre[1] encore aveugles sectateurs ;
Les pâles habitants de ces froides contrées
Qu’assiègent de glaçons les mers hyperborées[2] ;
Ceux qui de l’Amérique habitent les forêts,
De l’erreur invincible innombrables sujets.
Le dervis étonné, d’une vue inquiète,
À la droite de Dieu cherche en vain son prophète.
Le bonze, avec des yeux sombres et pénitents,
Y vient vanter en vain ses vœux et ses tourments.
Éclairés à l’instant, ces morts dans le silence
Attendent en tremblant l’éternelle sentence.
Dieu, qui voit à la fois, entend et connaît tout,
D’un coup d’œil les punit, d’un coup d’œil les absout.
Henri n’approcha point vers le trône invisible
D’où part à chaque instant ce jugement terrible,
Où Dieu prononce à tous ses arrêts éternels,
Qu’osent prévoir en vain tant d’orgueilleux mortels.
« Quelle est, disait Henri, s’interrogeant lui-même,
Quelle est de Dieu sur eux la justice suprême ?
Ce Dieu les punit-il d’avoir fermé leurs yeux
Aux clartés que lui-même il plaça si loin d’eux ?
Pourrait-il les juger, tel qu’un injuste maître,
Sur la loi des chrétiens, qu’ils n’avaient pu connaître ?
Non. Dieu nous a créés, Dieu nous veut sauver tous :

  1. En Perse, les Guèbres ont une religion à part, qu'ils prétendent être la religion fondée par Zoroastre, et qui paraît moins folle que les autres superstitions humaines, puisqu'ils rendent un culte secret au soleil, comme à une image du Créateur. (Noce de Voltaire, 1730.)
  2. Ce mot a été employé par Voltaire dans son Épitre à Uranie et dans son Orphelin de la Chine.