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Des troubles de la Flandre enfants abominables
Dans ces globes d’airain le salpêtre enflammé
Vole avec la prison qui le tient renfermé ;
Il la brise, et la mort en sort avec furie.
Avec plus d’art encore, et plus de barbarie,
Dans des antres profonds on a su renfermer
Des foudres souterrains, tout prêts à s’allumer.
Sous un chemin trompeur, où, volant au carnage,
Le soldat valeureux se fie à son courage,
On voit en un instant des abîmes ouverts,
De noirs torrents de soufre épandus dans les airs,
Des bataillons entiers par ce nouveau tonnerre
Emportés, déchirés, engloutis sous la terre.
Ce sont là les dangers où Bourbon va s’offrir ;
C’est par là qu’à son trône il brûle de courir.
Ses guerriers avec lui dédaignent ces tempêtes ;
L’enfer est sous leurs pas, la foudre est sur leurs têtes :
Mais la gloire à leurs yeux vole à côté du roi ;
Ils ne regardent qu’elle, et marchent sans effroi.
Mornay, parmi les flots de ce torrent rapide,
S’avance d’un pas grave et non moins intrépide :
Incapable à la fois de crainte et de fureur,
Sourd au bruit des canons, calme au sein de l’horreur,
D’un œil ferme et stoïque il regarde la guerre
Comme un fléau du ciel, affreux, mais nécessaire.
Il marche en philosophe où l’honneur le conduit,
Condamne les combats, plaint son maître, et le suit[1].
Ils descendent enfin dans ce chemin terrible,
Qu’un glacis teint de sang rendait inaccessible.
C’est là que le danger ranime leurs efforts :
Ils comblent les fossés de fascines, de morts ;
Sur ces morts entassés ils marchent, ils s’avancent ;
D’un cours précipité sur la brèche ils s’élancent.
Armé d’un fer sanglant, couvert d’un bouclier,

    fit usage des bombes pour la première fois. Presque tous nos arts sont dus aux Italiens. (Note de Voltaire, 1738.)

  1. Voyez la Préface de Marmontel. Mornay joue dans ce poëme le même rôle que Catou dans la Pharsale. (G. A.)