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Les Lorrains, les Nemours, des prêtres en furie,
L’ambassadeur de Rome, et celui d’Ibérie.
Ils marchent vers le Louvre, où, par un nouveau choix,
Ils allaient insulter aux mânes de nos rois.
Le luxe, toujours né des misères publiques,
Prépare avec éclat ces états tyranniques.
Là, ne parurent point ces princes, ces seigneurs,
De nos antiques pairs augustes successeurs,
Qui, près des rois assis, nés juges de la France,
Du pouvoir qu’ils n’ont plus ont encor l’apparence.
Là, de nos parlements les sages députés
Ne défendirent point nos faibles libertés ;
On n’y vit point des lis l’appareil ordinaire :
Le Louvre est étonné de sa pompe étrangère.
Là, le légat de Rome est d’un siège honoré ;
Près de lui, pour Mayenne, un dais est préparé.
Sous ce dais on lisait ces mots épouvantables :
« Rois, qui jugez la terre[1], et dont les mains coupables
Osent tout entreprendre et ne rien épargner,
Que la mort de Valois vous apprenne à régner ! »
On s’assemble, et déjà les partis, les cabales,
Font retentir ces lieux de leurs voix infernales.
Le bandeau de l’erreur aveugle tous les yeux.
L’un, des faveurs de Rome esclave ambitieux,
S’adresse au légat seul, et devant lui déclare
Qu’il est temps que les lis rampent sous la tiare ;
Qu’on érige à Paris ce sanglant tribunal,
Ce monument[2] affreux du pouvoir monacal,
Que l’Espagne a reçu, mais qu’elle-même abhorre,
Qui venge les autels et qui les déshonore,
Qui, tout couvert de sang, de flammes entouré,
Égorge les mortels avec un fer sacré[3] :
Comme si nous vivions dans ces temps déplorables
Où la terre adorait des dieux impitoyables,

  1. Imitation du verset 10 du psaume 11 : « Et nunc, reges, intelligite : erudimini qui judicatis terram. »
  2. L'Inquisition, que les ducs de Guise voulurent établir en France. (Note de Voltaire, 1730.)
  3. Molière a dit, dans le Tartuffe, acte I, scène vi :
    Veut nous assassiner avec un fer sacré.