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Mon trône vous attend, mon trône vous est dû :
Jouissez de ce bien par vos mains défendu :
Mais songez que la foudre en tout temps l’environne ;
Craignez, en y montant, ce Dieu qui vous le donne.
Puissiez-vous, détrompé d’un dogme criminel,
Rétablir de vos mains son culte et son autel !
Adieu, régnez heureux ; qu’un plus puissant génie
Du fer des assassins défende votre vie !
Vous connaissez la Ligue, et vous voyez ses coups :
Ils ont passé par moi pour aller jusqu’à vous ;
Peut-être un jour viendra qu’une main plus barbare…
Juste ciel, épargnez une vertu si rare !
Permettez…! » À ces mots l’impitoyable Mort
Vient fondre sur sa tête[1], et termine son sort.
Au bruit de son trépas, Paris se livre en proie
Aux transports odieux de sa coupable joie :
De cent cris de victoire ils remplissent les airs ;
Les travaux sont cessés, les temples sont ouverts ;
De couronnes de fleurs ils ont paré leurs têtes ;
Ils consacrent ce jour à d’éternelles fêtes ;
Bourbon n’est à leurs yeux qu’un héros sans appui,
Qui n’a plus que sa gloire et sa valeur pour lui.
Pourra-t-il résister à la Ligue affermie,
À l’Église en courroux, à l’Espagne ennemie,
Aux traits du Vatican, si craints, si dangereux,
À l’or du nouveau monde, encor plus puissant qu’eux ?

  1. Henri III mourut de sa blessure le 3 août *, à deux heures du matin, à Saint- Cloud; mais non point dans la même maison où il avait pris, avec son frère, la résolution de la Saint-Barthélemy, comme l'ont écrit plusieurs historiens; car cette maison n'était point encore bâtie du temps de la Saint-Barthélemy. (Note de Voltaire, 1730.)

    — La note de 1723 donnait quelques détails de plus. « La malheureuse journée de Saint-Barthélemy arriva en 1572 ; alors la maison appartenait à un bourgeois nommé Chapelier; Catherine de Médicis l'acheta en 1577, et la donna à la femme de Jérôme de Gondy, qui la fit rebâtir; par conséquent il est impossible que Henri III soit mort dans la chambre où il avait tenu le conseil de la Saint-Barthélemy. »

    Les auteurs de l’Art de vérifier les dates disent que Henri III mourut le 2 août, et cela se rapporte à ce que dit Voltaire dans le chapitre xxxi de son Histoire du Parlement, que « ce fut Henri IV qui porta lui-même l'arrêt (contre Jacques Clément), le 2 août 1589, et condamna le corps du moine à être ccartelé et brûlé ». (B.)

    * Le 2 août.