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Et, demandant à Dieu la palme du martyre,
Il bénit, en tombant, les coups dont il expire.
Aveuglement terrible, affreuse illusion !
Digne à la fois d’horreur et de compassion,
Et de la mort du roi moins coupable peut-être
Que ces lâches docteurs, ennemis de leur maître,
Dont la voix, répandant un funeste poison,
D’un faible solitaire égara la raison !
Déjà Valois touchait à son heure dernière ;
Ses yeux ne voyaient plus qu’un reste de lumière :
Ses courtisans en pleurs, autour de lui rangés[1],
Par leurs desseins divers en secret partagés,
D’une commune voix formant les mêmes plaintes,
Exprimaient des douleurs ou sincères ou feintes.
Quelques-uns, que flattait l’espoir du changement,
Du danger de leur roi s’affligeaient faiblement ;
Les autres, qu’occupait leur crainte intéressée,
Pleuraient, au lieu du roi, leur fortune passée.
Parmi ce bruit confus de plaintes, de clameurs,
Henri, vous répandiez de véritables pleurs.
Il fut votre ennemi ; mais les cœurs nés sensibles
Sont aisément émus dans ces moments horribles.
Henri ne se souvint que de son amitié :
En vain son intérêt combattait sa pitié ;
Ce héros vertueux se cachait à lui-même
Que la mort de son roi lui donne un diadème.
Valois tourna sur lui, par un dernier effort,
Ses yeux appesantis qu’allait fermer la mort ;
Et, touchant de sa main ses mains victorieuses,
« Retenez, lui dit-il, vos larmes généreuses ;
L’univers indigné doit plaindre votre roi :
Vous, Bourbon, combattez, régnez, et vengez-moi.
Je meurs, et je vous laisse, au milieu des orages,
Assis sur un écueil couvert de mes naufrages.

  1. Dans Phèdre, acte V, scène vi :
    Imitaient son silence, autour de lui rangés.

    Dans Agathocle, acte IV, scène i :
    Autour de lui rangés, ses courtisans le craignent.