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De ce crime odieux son prudent artifice
Songe à cueillir le fruit sans en être complice :
Il laisse avec adresse aux plus séditieux
Le soin d’encourager ce jeune furieux.
Tandis que des ligueurs une troupe homicide
Aux portes de Paris conduisait le perfide,
Des Seize en même temps le sacrilège effort
Sur cet événement interrogeait le sort.
Jadis de Médicis[1] l’audace curieuse
Chercha de ces secrets la science odieuse,
Approfondit longtemps cet art surnaturel,
Si souvent chimérique, et toujours criminel.
Tout suivit son exemple ; et le peuple imbécile,
Des vices de la cour imitateur servile,
Épris du merveilleux, amant des nouveautés,
S’abandonnait en foule à ces impiétés.
Dans l’ombre de la nuit, sous une voûte obscure,
Le silence a conduit leur assemblée impure.
À la pâle lueur d’un magique flambeau,
S’élève un vil autel dressé sur un tombeau :
C’est là que des deux rois on plaça les images,
Objets de leur terreur, objets de leurs outrages.
Leurs sacrilèges mains ont mêlé, sur l’autel,
À des noms infernaux le nom de l’Éternel.
Sur ces murs ténébreux des lances sont rangées,
Dans des vases de sang leurs pointes sont plongées,
Appareil menaçant de leur mystère affreux.
Le prêtre de ce temple est un de ces Hébreux
Qui, proscrits sur la terre, et citoyens du monde,
Portent de mers en mers leur misère profonde,
Et d’un antique amas de superstitions[2]

  1. Catherine de Médicis avait mis la magie si fort à la mode en France, qu'un prêtre nommé Sechelles, qui fut brûlé en Grève sous Henri III, pour sorcellerie, accusa douze cents personnes de ce prétendu crime. L'ignorance et la stupidité étaient poussées si loin dans ces temps-là, qu'on n'entendait parler que d'exorcismes et de condamnations au feu. On trouvait partout des hommes assez sots pour se croire magiciens, et des juges superstitieux qui les punissaient de bonne foi comme tels. (Note de Voltaire, 1730.)
  2. Racine a dit dans Athalie, acte II, scène iv :
    Et tout ce vain amas de superstitions
    Qui ferme votre temple aux autres nations.