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PREMIÈRE JOURNKE. 303

PHOCAS, à Astolpho.

Cadavre ambulant, en dépit de la marche rapide du temps, de tes cheveux blancs, et de ton vieux visage brûlé par le soleil, je garde pourtant dans ma mémoire les traces de ta personne ; je t’ai vu ambassadeur auprès de moi. Comment es-tu ici ? Je ne cherche point à t’effrayer par des rigueurs : je te promets au contraire ma faveur et mes dons ; lève-toi, et dis-moi si l’un de ces deux jeunes gens n’est pas le fils de Maurice, que ta fidélité sauva de ma colère.

ASTOLPHE.

Oui, seigneur, l’un est le fils de mon empereur, que j’ai élevé dans ces montagnes, sans qu’il sache qui il est ni qui je suis : il m’a paru plus convenable de le cacher ainsi, que de le voir en votre pouvoir, ou dans celui d’une nation qui rendait obéissance à un tyran.

PHOCAS.

Eh bien ! vois comment le destin commande aux précautions des hommes. Parle, qui des deux est le fils de Maurice ?

ASTOLPHE,

Que c’est l’un des deux, je vous l’avoue ; lequel c’est des deux, je ne vous le dirai pas.

PHOCAS.

Que m’importe que tu me le cèles ? Empêcheras-tu qu’il ne meure, puisqu’on les tuant tous deux je suis sûr de me défaire de celui qui peut un jour troubler mon empire ?

HÉRACLIUS.

Tu peux te défaire de la crainte à moins de frais.

PHOCAS.

Comment ?

LÉONIDE.

En assouvissant ta fureur dans mon sang ; ce sera pour moi le comble dos honneurs de mourir fils d’un empereur, et je te donnerai volontiers ma vie.

HÉRACLIUS.

Seigneur, c’est l’ambition qui parle en lui ; mais en moi, c’est la vérité,

PHOCAS.

Pourquoi ?

HÉRACLIUS,

Parce que c’est moi qui suis Héraclius,

PHOCAS.

En es-tu sûr ?