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ACTK I, SCÈNE VIII. 455

CASCA.

Mais i)onrquoi tontioz-vous la colère dos dieux ? C’est à riiomme à trembler lorsque le ciel envoie Ses messagers de mort à la terre coupable.

CASSIIJS.

(jiie tu parais grossier ! que ce feu du génie, Qui luit chez les Romains, est éteint dans tes sens ! Ou tu n’as point d’esprit, ou tu n’en uses pas. Pourquoi ces yeux hagards, et ce visage pâle ? Pourquoi tant t’étonner des prodiges des cieux ? De ce bruyant courroux veux-tu savoir la cause ? Pourquoi ces feux errants, ces mânes déchaînés. Ces monstres, ces oiseaux, ces enfants qui prédisent ? Pourquoi tout est sorti de ses bornes prescrites ? Tant de monstres, crois-moi, doivent nous avertir Qu’il est dans la patrie un plus grand monstre encore ; Et si je te nommais un mortel, un Romain, Non moins affreux pour nous que cette nuit affreuse. Que la foudre, l’éclair, et les tombeaux ouverts ; Un insolent mortel, dont les rugissements Semblent ceux du lion qui marche au Capitole ; Un mortel par lui-même aussi fai])le que nous, ^lais que le ciel élève au-dessus de nos têtes, Plus terrible pour nous, plus odieux cent fois. Que ces feux, ces tombeaux, et ces affreux prodiges !

CASCA,

C’est César ; c’est de lui que tu prétends parler,

GASSIUS.

Qui que ce soit, n’importe. Eh, quoi donc ! les Romains N’ont-ils pas aujourd’hui des bras comme leurs pères ? Ils n’en ont point l’esprit, ils n’en ont point les mœurs. Ils n’ont que la faiblesse et l’esprit de leurs mères. Ucs Romains, dans nos jours, ont donc cessé d’être hommes !

CASCA,

Oui, si l’on m’a dit vrai, demain les sénateurs Accordent à César ce titre affreux de roi ; Et sur terre et sur mer il doit porter le sceptre. En tous lieux, hors de Rome, où déjà César règne.

GASSIUS.

Tant que je porterai ce fer à mon côté,

Cassius sauvera Cassius d’esclavage.

Dieux ! c’est vous qui donnez la force aux faibles cœurs.