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Polycrate, il est vrai, dans sa brûlante audace,
Croit soumettre à ses lois la malheureuse Ydace,
Et je ne puis souffrir ce droit injurieux
Que le sort des combats donne au victorieux :
J’ose braver mon frère et servir l’innocence.
Non, ce n’est point l’amour qui prendra sa défense ;
Je ne l’ai point connu ; mon cœur jusqu’aujourd’hui
Pour venger la vertu n’a pas besoin de lui.
Elpénor, croyez-moi, s’il faut qu’il m’asservisse,
Il ne peut m’entraîner à rien dont je rougisse.

ELPÉNOR.

Je vous en crois sans peine, et mes regards discrets
De ce cœur généreux respectent les secrets.
Mais, seigneur, je voudrais qu’un peu de complaisance
Pût rassurer du roi la triste défiance :
Il aime votre frère, il vous craint.

ARGIDE.

Elpénor,
Il devrait m’estimer : et j’ose dire encor
Que la voix du public, équitable et sincère,
Pourra me consoler des rebuts de mon père…
Mais quel bruit ! quel tumulte ! et qu’est-ce que je voi !


Scène IV.



ARGIDE, YDACE, ELPÉNOR, LA PRÊTRESSE.


(On entend un grand bruit derrière la scène ; elle s’ouvre.
Ydace paraît, la prêtresse la suit.
Le peuple et les soldats avancent au fond du théâtre.)

ARGIDE.

Est-ce Ydace ? Elle-même en ce séjour d’effroi !
Est-ce vous qui fuyez, captive infortunée ?

YDACE.

Par d’horribles soldats indignement traînée,
Arrachée aux autels de mes dieux protecteurs,
Aux mains de la prêtresse à qui, dans mes malheurs,
Le ciel a confié ma jeunesse craintive,
On me poursuit encore errante, fugitive.
Quand mon père, accablé du poids de mes douleurs,
Allait jusqu’au palais faire parler ses pleurs,