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Ma naissance, mon rang, la faveur du sénat,
Tout me criait : venez, montrez-vous à l'état.
Cette voix m'excitait. Le dépit qui me presse,
Ma passion fatale, entraînaient ma jeunesse ;
Je venais opposer la gloire à la grandeur,
Partager les esprits et braver l'empereur...
J'arrive, et j'entrevois ma carrière nouvelle.
Me faut-il arborer l'étendard d'un rebelle ?
La honte est attachée à ce nom dangereux.
Me verrai-je emporté plus loin que je ne veux ?

memnon

La honte ! Elle est pour vous de servir sous un maître.

alexis

J'ose être son rival : je crains le nom de traître.

memnon

Soyez son ennemi dans les champs de l'honneur,
Disputez-lui l'empire, et soyez son vainqueur.

alexis

Crois-tu que le Bosphore, et la superbe Thrace,
Et ces grecs inconstants serviraient tant d'audace ?
Je sais que les états sont pleins de sénateurs
Attachés à ma race, et dont j'aurais les coeurs :
Ils pourraient soutenir ma sanglante querelle :
Mais le peuple ?

memnon

Il vous aime : au trône il vous appelle.
Sa fougue est passagère, elle éclate à grand bruit ;
Un instant la fait naître, un instant la détruit.
J'enflamme cette ardeur ; et j'ose encor vous dire
Que je vous répondrais des coeurs de tout l'empire.
Paraissez seulement, mon prince, et vous ferez
Du sénat et du peuple autant de conjurés.
Dans ce palais sanglant, séjour des homicides,
Les révolutions furent toujours rapides.
Vingt fois il a suffi, pour changer tout l'état,
De la voix d'un pontife, ou du cri d'un soldat.
Ces soudains changements sont des coups de tonnerre
Qui dans des jours sereins éclatent sur la terre.
Plus ils sont imprévus, moins on peut échapper
À ces traits dévorants dont on se sent frapper.
Nous avons vu frapper ces ombres fugitives,
Fantômes d'empereurs élevés sur nos rives,