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memnon

Madame, j'avouerai qu'il veut à votre vue
Dérober les chagrins de son âme abattue.
Je ne suis point compté parmi les courtisans
De ses desseins secrets superbes confidents :
Du conseil de César on me ferme l'entrée.
Commandant de sa garde à la porte sacrée.
Militaire oublié par ses maîtres altiers,
Relégué dans mon poste ainsi que mes guerriers,
J'ai seulement appris que le brave Comnène
A quitté dès longtemps les bords du Borysthène,
Qu'il vogue vers Byzance, et que César troublé
Écoute en frémissant son conseil assemblé.

irène

alexis, dites-vous ?

memnon

Il revole au Bosphore.

irène

Il pourrait à ce point offenser Nicéphore !
Revenir sans son ordre !

memnon

On l'assure, et la cour
S'alarme, se divise, et tremble à son retour.
Il a brisé, dit-on, l'honorable esclavage
Où l'empereur jaloux retenait son courage ;
Il vient jouir ici des honneurs et des droits
Que lui donnent son rang, sa naissance, et nos lois.
C'est tout ce que j'apprends par ces rumeurs soudaines
Qui font naître en ces lieux tant d'espérances vaines,
Et qui, de bouche en bouche armant les factions,
Vont préparer Byzance aux révolutions.
Pour moi, je sais assez quel parti je dois prendre,
Quel maître je dois suivre, et qui je dois défendre :
Je ne consulte point nos ministres, nos grands,
Leurs intérêts cachés, leurs partis différents,
Leurs fausses amitiés, leurs indiscrètes haines.
Attaché sans réserve au pur sang des Comnènes,
Je le sers, et surtout dans ces extrémités,
Memnon sera fidèle au sang dont vous sortez.
Le temps ne permet pas d'en dire davantage...
Souffrez que je revole où mon devoir m'engage.

Il sort.