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Oui, je détruis en tout l’antique barbarie :
Commençons tous les trois une nouvelle vie.
Qu’Azémon soit témoin de vos nœuds éternels ;
Ma main va les former à de nouveaux autels.
Soldats, livrez ce temple aux fureurs de la flamme[1] :

(On voit le temple en feu, et une partie qui tombe dans le fond du théâtre.)

Pour mon digne héritier reconnaissez Datame ;
Reconnaissez ma fille, et servez-nous tous trois
Sous de plus justes dieux, sous de plus saintes lois.

(À Astérie.)

Le peuple, en apprenant de qui vous êtes née,
En détestant la loi qui vous a condamnée,
Éperdu, consterné, rentre dans son devoir,
Abandonne à son prince un suprême pouvoir[2]

(À Mérione.)

Vis, mais pour me servir, superbe Mérione :
Ton maître t’a vaincu, ton maître te pardonne.
La cabale et l’envie avaient pu t’éblouir ;
Et ton seul châtiment sera de m’obéir…
Braves cydoniens, goûtez des jours prospères ;
Libres ainsi que moi, ne soyez que mes frères :
Aimez les lois, les arts ; ils vous rendront heureux…
Honte du genre humain, sacrifices affreux,
Périsse pour jamais votre indigne mémoire,
Et qu’aucun monument n’en conserve l’histoire !…
Nobles, soyez soumis, et gardez vos honneurs…
Prêtres, et grands, et peuple, adoucissez vos mœurs ;

  1. Voici l’exposition que Voltaire faisait de cette tragédie : « D’abord des prêtres et des guerriers disant leur avis sur une estrade, une petite fille amenée devant, eux qui leur chante pouilles, un contraste de Grecs et de sauvages, un sacrifice, un prince qui arrache sa fille à un évêque tout prêt à lui donner l’extrême-onction ; et, à la fin de la pièce, le maître-autel détruit, et la cathédrale en flammes… Voyez l’avertissement page 163.
  2. On n’entend pas ici par suprême pouvoir cette autorité arbitraire, cette tyrannie que le jeune Gustave troisième, si digne de ce grand nom de Gustave, vient d’abjurer et de proscrire solennellement, en rétablissant la concorde, et en faisant régner les lais avec lui. On entend pur suprême pouvoir cette autorité raisonnable, ondée sur les lois mêmes, et tempérée par elles ; cette autorité juste et modérée, qui ne peut sacrifier la liberté et la vie d’un citoyen à la méchanceté d’un flatteur qui se soumet elle-même à la justice, qui lie inséparablement l’intérêt de l’Etat à celui du trône, qui fait d’un royaume une grande famille gouverné par un père. Celui qui donnerait une autre idée de la monarchie serait coupable envers le genre humain. (Note de Voltaire.)