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Pharès a pour sa cause un violent parti,
Et d’autant plus puissant contre le diadème
Qu’il croit servir le ciel et vous venger vous-même.
« Quoi ! Dit-il, dans nos champs la fille de Teucer,
À son père arrachée, expira sous le fer ;
Et, du sang le plus vil indignement avare,
Teucer dénaturé respecte une barbare !…
Lui seul est inhumain, seul à la cruauté
Dans son cœur insensible il joint l’impiété ;
Il veut parler en roi quand Jupiter ordonne ;
L’encensoir du pontife offense sa couronne :
Il outrage à la fois la nature et le ciel,
Et contre tout l’empire il se rend criminel… »
Il dit ; et vous jugez si ces accents terribles
Retentiront longtemps sur ces âmes flexibles,
Dont il peut exciter ou calmer les transports,
Et dont son bras puissant gouverne les ressorts.

Teucer.

Je vois qu’il vous gouverne, et qu’il sut vous séduire.
M’apportez-vous son ordre, et pensez-vous m’instruire ?

Mérione.

Je vous donne un conseil.

Teucer.

Je vous donne un conseil.Je n’en ai pas besoin.

Mérione.

Il vous serait utile.

Teucer.

Il vous serait utile.Épargnez-vous ce soin ;
Je sais prendre, sans vous, conseil de ma justice.

Mérione.

Elle peut sous vos pas creuser un précipice :
Tout noble, dans notre île, a le droit respecté[1]

  1. C’est le liberum veto des Polonais, droit cher et fatal qui a causé beaucoup plus de malheurs qu’il n’en a prévenu. C’était le droit des tribuns de Rome, c’était le bouclier du peuple entre les mains de ses magistrats ; mais quand cette arme est dans les mains de quiconque entre dans une assemblée, elle peut devenir une arme offensive trop dangereuse, et faire périr toute une république. Comment a-t-on pu convenir qu’il suffirait d’un ivrogne pour arrêter les délibérations de cinq ou six mille sages, supposé qu’un pareil nombre de sages puisse exister ? Le feu roi de Pologne, Stanislas Leczinski, dans son loisir en Lorraine, écrivit souvent contre ce liberum veto, et contre cette anarchie dont il prévit les suites. Voici les paroles mémorables qu’on trouve dans son livre intitulé la Voix du citoyen, imprimé en 1749 : « Notre tour viendra, sans doute, où nous serons la proie de