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Scène II.

TEUCER, DICTIME, gardes.
Teucer.

Il faut prendre un parti : ma triste nation
N’écoute que la voix de la sédition ;
Ce sénat orgueilleux contre moi se déclare ;
On affecte ce zèle implacable et barbare
Que toujours les méchants feignent de posséder,
À qui souvent les rois sont contraints de céder :
J’entends de mes rivaux la funeste industrie
Crier de tous côtés : religion, patrie !
Tout prêts à m’accuser d’avoir trahi l’état
Si je m’oppose encore à cet assassinat.
Le nuage grossit, et je vois la tempête
Qui, sans doute, à la fin tombera sur ma tête.

Dictime.

J’oserais proposer, dans ces extrémités,
De vous faire un appui des mêmes révoltés,
Des mêmes habitants de l’âpre Cydonie,
Dont nous pourrions guider l’impétueux génie :
Fiers ennemis d’un joug qu’ils ne peuvent subir,
Mais amis généreux, ils pourraient nous servir.
Il en est un surtout, dont l’âme noble et fière
Connaît l’humanité dans son audace altière :
Il a pris sur les siens, égaux par la valeur,
Ce secret ascendant que se donne un grand cœur ;
Et peu de nos crétois ont connu l’avantage
D’atteindre à sa vertu, quoique dure et sauvage.
Si de pareils soldats pouvaient marcher sous vous,
On verrait tous ces grands si puissants, si jaloux
De votre autorité qu’ils osent méconnaître,
Porter le joug paisible, et chérir un bon maître.
Nous voulions asservir des peuples généreux :
Faisons mieux, gagnons-les ; c’est là régner sur eux.

Teucer.

Je le sais. Ce projet peut sans doute être utile ;
Mais il ouvre la porte à la guerre civile :