Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome7.djvu/204

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Lui, qui du poids des fers nous voulut écraser,
Et qui donna des lois pour nous tyranniser ?
Lui, qui du plus pur sang que votre Grèce honore
Nourrit sept ans ce monstre appelé Minotaure ?
Lui, qu’enfin vous peignez, dans vos mensonges vains,
Au bord de l’Achéron jugeant tous les humains,
Et qui ne mérita, par ses fureurs impies,
Que d’éternels tourments sous les mains des furies ?
Parle : est-ce là ton sage ? Est-ce là ton héros ?
Crois-tu nous effrayer à ce nom de Minos ?
Oh ! Que la renommée est injuste et trompeuse !
Sa mémoire à la Grèce est encor précieuse ;
Ses lois et ses travaux sont par nous abhorrés.
On méprise en Cydon ce que vous adorez ;
On y voit en pitié les fables ridicules
Que l’imposture étale à vos peuples crédules.

Dictime.

Tout peuple a ses abus, et les nôtres sont grands ;
Mais nous avons un prince ennemi des tyrans,
Ami de l’équité, dont les lois salutaires
Aboliront bientôt tant de lois sanguinaires.

    espèce d’hommes brute et dépravée, ces horreurs ont été trop communes, témoin le fameux novimus et qui te de Virgile [Eclog. III, vers 8] ; témoin le bouc qui eut les faveurs d’une belle Égyptienne de Mendès, lorsque Hérodote était en Égypte ; témoin les lois juives portées contre les hommes et les femmes qui s’accouplent avec les animaux, et qui ordonnent qu’on brûle l’homme et la bête : témoin la notoriété publique de ce qui se passe encore en Calabre ; témoin l’avis nouvellement imprimé d’un bon prêtre luthérien de Livonie, qui exhorte les jeunes garçons de Livonie et d’Estonie à ne plus tant fréquenter les génisses, les ânesses, les brebis et les chèvres.
    La grande difficulté est de savoir au juste si ces conjonctions affreuses ont jamais pu produire quelques monstres. Le grand nombre des amateurs du merveilleux, qui prétendent avoir vu des fruits de ces accouplements, et surtout des singes avec les filles, n’est pas une raison invincible pour qu’on les admette ; ce n’est pas non plus une raison absolue de les rejeter. Nous ne connaissons pas assez tout ce que peut la nature. Saint Jérôme rapporte des histoires de centaures et de satyres, dans son livre des Pères du désert. Saint Augustin, dans son trente-troisième sermon à ses frères du désert, a vu des hommes sans tête, qui avaient deux gros yeux sur leur poitrine et d’autres qui n’avaient qu’un œil au milieu du front ; mais il faudrait avoir une bonne attestation pour toute l’histoire du Minos, de Pasiphaé, de Thésée, d’Ariane, de Dédale, et d’Icare. On appelait autrefois esprits forts ceux qui avaient quelque doute sur cette tradition.
    On prétend qu’Euripide composa une tragédie de Pasiphaé ; elle est du moins comptée parmi celles qui lui sont attribuées, et qui sont perdues. Le sujet était un peu scabreux ; mais quand on a lu Polyphème, on peut croire que Pasiphaé fut mise sur le théâtre. (Note de Voltaire.)