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530 TANCRÈDE.

ALDAMON.

Vers ces funestes lieux, seigneur, n’avancez pas.

TANCRÈDE.

Que me dis-tu ? Les pleurs inondent ton visage !

ALDAMON.

Ah ! fuyez pour jamais ce malheureux rivage ; Après les attentats que ce jour a produits, Je n’y puis demeurer, tout obscur que je suis.

TANCRÈDE,

Comment ?…

ALDAMON.

Portez ailleurs ce courage sublime : La gloire vous attend aux tentes des Césars ; Elle n’est point pour vous dans ces affreux remparts Fuyez ; vous n’y verriez que la honte et le crime.

TANCRÈDE.

De quels traits inouïs viens-tu percer mon cœur ! Qu’as-tu vu ? Que t’a dit, que fait Aménaïde ?

ALDAMON.

J’ai trop vu vos desseins… Oubliez-la, seigneur.

TANCRÈDE.

Ciel ! Orbassan l’emporte ! Orbassan ! la perfide I L’ennemi de son père, et mon persécuteur !

ALDAMON.

Son père a ce matin signé cet hyménée, Et la pompe fatale en était ordonnée…

TANCRÈDE.

Et je serais témoin de cet excès d’horreur !

ALDAMON.

Votre dépouille ici leur fut abandonnée. Vos biens étaient sa dot. Un rival odieux. Seigneur, vous enlevait le bien de vos aïeux.

TANCRÈDE.

Le lâche ! il m’enlevait ce qu’un héros méprise. Aménaïde, ô ciel ! en ses mains est remise ? Elle est à lui ?

ALDAMON.

Seigneur, ce sont les moindres coups Que le ciel irrité vient de lancer sur vous.

TANCRÈDE.

Achève donc, cruel, de m’arracher la vie ; Achève… parle… hélas !