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528 TANCRÈDE.

ALDAMON.

On le vit trop longtemps Succomber au parti dont nous craignons l’empire. 11 reprit à la fin sa juste autorité : On respecte son rang, son nom, sa probité ; Mais l’âge l’affaiblit. Orbassan lui succède.

TANCRÎiDE.

Orbassan ! l’ennemi, l’oppresseur de Tancrède ! Ami, quel est le bruit répandu dans ces lieux ! Ali ! parle, est-il bien vrai que cet audacieux D’un père trop facile ait surpris la faiblesse. Que sur Aménaïde il ait levé les yeux, Qu’il ait osé prétendre à s’unir avec elle ?

ALDAMON.

Hier confusément j’en appris la nouvelle.

Pour moi, loin de la ville, étalili dans ce fort

Où je vous ai reçu, grâce à mon heureux sort,

À mon poste attacbé, j’avouerai que j’ignore

Ce qu’on a fait depuis dans ces murs que j’abhorre :

On vous y persécute, ils sont affreux pour moi.

TANCRÎiDE,

Clier ami, tout mon cœur s’abandonne à ta foi^ ; Cours chez Aménaïde, et parais devant elle ; Dis-lui qu’un inconnu, brûlant du plus beau zèle Pour l’honneur de son sang, pour son auguste nom, Pour les prospérités de sa noble maison. Attaché dès l’enfance à sa mère, à sa race, D’un entretien secret lui demande la grâce.

ALDAMON.

Seigneur, dans sa maison j’eus toujours quelque accès ;

On y voit avec joie, on accueille, on honore.

Tous ceux qu’à votre nom le zèle attache encore.

Plût au ciel qu’on eût vu le pur sang des Français

Uni dans la Sicile au noble sang d’Argire !

Quel que soit le dessein, seigneur, qui vous inspire,

Puisque vous m’envoyez, je réponds du succès.

1. « Ne sentez-vous pas, écrit Voltaire à Lekain, que tout l’artifice de cette scène consiste, de la part de Tancrède, à s’ouvrir par gradation avec Aldamon ? 11 s’en faut bien qu’il doive lui dire tout son secret ; et quand il lui dit : Citer ami, etc., remarquez qu’il se donne bien garde de dire : J’aime Aménaïde. Il le lui fait assez entendre, et cela est ûien plus naturel et bien plus piquant… 11 uc permet à son amour d’éclater que dans son monologue. »