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524 TANCRÈDE.

Je pleure mon destin, je gémis sur mon père* ; Mais, malgré ma faiblesse et malgré mon efTroi, Je ne puis vous tromper ; n’attendez rien de moi. Je vous parais coupable après un tel outrage ; Mais ce cœur, croyez-moi, le serait davantage Si jusqu’à vous complaire il pouvait s’oublier. Je ne veux (pardonnez à ce triste langage) De vous pour mon époux, ni pour mon chevalier. J’ai prononcé ; jugez, et vengez votre ofTense.

ORBASSAN.

Je me borne, madame, à venger mon pays,

A (dédaigner l’audace, à braver le mépris,

À l’oublier. Mon bras prenait votre défense :

Mais, quitte envers ma gloire, aussi bien qu’en vers vous.

Je ne suis plus qu’un juge à son devoir fidèle :

Soumis à la loi seule, insensible comme elle.

Et qui ne doit sentir ni regrets ni courroux.

SCÈNE VIL

AMÉNAIDE ; soldats, dans l’enfoncement. AMKNAÏDE.

J’ai donc dicté l’arrêt… et je me sacrifie ! toi, seul des humains qui méritas ma foi. Toi, pour qui je mourrai, pour qui j’aimais la vie, Je suis donc condamnée !… Oui, je le suis pour toi ; Allons… je l’ai voulu… Mais tant d’ignominie. Mais un père accablé, dont les jours vont finir ! Des liens, des bourreaux… Ces apprêts d’infamie !

I. Iphigenie, près d’être immohîe, dit à son père, acte IV, scène iv :

D’un œil aussi content, d’un cœur aussi soumis, Que j’acceptais l’époux que vous m’aviez promis, Je saurai, s’il le faut, victime obéissante, Tendre au fer de Calchas une tête innocente.

Cette résignation paraît exagérée : le sentiment d’Aménaïde est plus vrai et aussi touchant ; mais dans cette comparaison, ce n’est point Racine qui est inférieur à Voltaire, c’est l’art qui a fait des progrès. Pour rendre les vertus dramatiques plus imposantes, on les a d’abord exagérées : mais le comble de l’art est de les rendre à la fois naturelles et héroïques. Cette perfection ne pouvait être que le fruit du temps, de l’étude des grands modèles, et surtout de l’étude de leurs fautes. (K.)