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une ennemie de l’État. Je croyais que tu n’étais qu’un barbouilleur de papier, mais je vois que tu as en effet des talents. Je t’ai déjà récompensé ; je te récompenserai encore. Il faudra m’instruire de tout ce qui se passe ici.

FRÉLON.

Madame, je vous conseille de faire usage de tout ce que vous saurez, et même de ce que vous ne saurez pas. La vérité a besoin de quelques ornements : le mensonge peut être vilain, mais la fiction est belle ; qu’est-ce, après tout, que la vérité ? la conformité à nos idées : or ce qu’on dit est toujours conforme à l’idée qu’on a quand on parle ; ainsi il n’y a point proprement de mensonge.

LADY ALTON.

Tu me parais subtil : il semble que tu aies étudié à Saint-Omer[1]. Va, dis-moi seulement ce que tu découvriras, je ne t’en demande pas davantage.



Scène IV.


lady ALTON, FABRICE.

LADY ALTON.

Voilà, je l’avoue, le plus impudent et le plus lâche coquin qui soit dans les trois royaumes. Nos dogues mordent par instinct de courage ; et lui, par instinct de bassesse. À présent que je suis un peu plus de sang-froid, je pense qu’il me ferait haïr la vengeance ; je sens que je prendrais contre lui le parti de ma rivale. Elle a dans son état humble une fierté qui me plaît ; elle est décente, on la dit sage : mais elle m’enlève mon amant, il n’y a pas moyen de pardonner. (À Fabrice, qu’elle aperçoit agissant dans le café.) Adieu, mon maître ; faisons la paix : vous êtes un honnête homme, vous ; mais vous avez dans votre maison un vilain griffonneur.

FABRICE.

Bien des gens m’ont déjà dit, madame, qu’il est aussi méchant que Lindane est vertueuse et aimable.

LADY ALTON.

Aimable ! tu me perces le cœur.

  1. Il y avait à Saint-Omer un collège de jésuites anglais très-renommé dans toute la Grande-Bretagne. — Il se pourrait que la rédaction de cette note fût des éditeurs de Kehl. Dans toutes les éditions antérieures, la note était ainsi conçue : Autrefois on envoyait plusieurs enfants faire leurs études au collège de Saint-Omer. (B.)