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FRÉLON.

Eh ! de quelle sorte est-elle donc ?

POLLY.

D’une sorte qu’il faut respecter : vous êtes fait tout au plus pour les suivantes.

FRÉLON.

C’est-à-dire que, si je vous en contais, vous m’aimeriez ?

POLLY.

Assurément non.

FRÉLON.

Et pourquoi donc ta maîtresse s’obstine-t-elle à ne me point recevoir, et que la suivante me dédaigne ?

POLLY.

Pour trois raisons : c’est que vous êtes bel esprit, ennuyeux, et méchant.

FRÉLON.

C’est bien à ta maîtresse, qui languit ici dans la pauvreté, à me dédaigner !

POLLY.

Ma maîtresse pauvre ! qui vous a dit cela, langue de vipère ? Ma maîtresse est très-riche : si elle ne fait point de dépense, c’est qu’elle hait le faste : elle est vêtue simplement par modestie ; elle mange peu, c’est par régime ; et vous êtes un impertinent.

FRÉLON.

Qu’elle ne fasse pas tant la fière : nous connaissons sa conduite, nous savons sa naissance, nous n’ignorons pas ses aventures.

POLLY.

Quoi donc ? que connaissez-vous ? que voulez-vous dire ?

FRÉLON.

J’ai partout des correspondances.

POLLY.

Ô ciel ! cet homme peut nous perdre. Monsieur Frélon, mon cher monsieur Frélon, si vous savez quelque chose, ne nous trahissez pas.

FRÉLON.

Ah ! ah ! j’ai donc deviné ? il y a donc quelque chose ? et je suis le cher monsieur Frélon, Ah ça, je ne dirai rien ; mais il faut…

POLLY.

Quoi ?

FRÉLON.

Il faut m’aimer.

POLLY.

Fi donc ! cela n’est pas possible.