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UN INTERLOCUTEUR.

Va, s’il n’y avait rien de bon, tu perdrais le plus grand plaisir de la satire. Le cinquième acte surtout a de très-grandes beautés.

LE SECOND INTERLOCUTEUR.

Je n’ai pu me défaire d’aucune de mes marchandises.

LE TROISIÈME.

Il y a beaucoup à craindre cette année pour la Jamaïque ; ces philosophes la feront prendre.

FRÉLON.

Le quatrième et le cinquième acte sont pitoyables.

MONROSE, se tournant.

Quel sabbat !

LE PREMIER INTERLOCUTEUR.

Le gouvernement ne peut pas subsister tel qu’il est.

LE TROISIÈME INTERLOCUTEUR.

Si le prix de l’eau des Barbades ne baisse pas, la patrie est perdue.

MONROSE.

Se peut-il que toujours, et en tout pays, dès que les hommes sont rassemblés, ils parlent tous à la fois ! quelle rage de parler avec la certitude de n’être point entendu !

FABRICE, arrivant avec une serviette.

Messieurs, on a servi : surtout ne vous querellez point à table, ou je ne vous reçois plus chez moi. (À Monrose.) Monsieur veut-il nous faire l’honneur de venir dîner avec nous ?

MONROSE.

Avec cette cohue ? non, mon ami ; faites-moi apporter à manger dans ma chambre. (Il se retire à part, et dit à Fabrice : ) Écoutez, un mot : milord Falbrige est-il à Londres ?

FABRICE.

Non ; mais il revient bientôt.

MONROSE.

Est-il vrai qu’il vient ici quelquefois ?

FABRICE.

Il y venait avant son voyage d’Espagne[1].

  1. Toutes les éditions faites jusqu’à ce jour (1831) portent : « Il m’a fait cet honneur. » Ce texte est indiqué par Voltaire lui-même, dans sa lettre à d’Argental, du 9 juillet 1760 : « Cette petite particularité, dit-il, est nécessaire : 1o pour faire voir que Monrose ne vient pas sans raison se loger dans ce café-là ; 2o qu’il a besoin de Falbrige ; 3o pour prévenir les esprits sur la mort de ce Falbrige ; 4o pour fonder la demeure de Lindane près d’un café où ce Falbrige vient quelquefois. C’est un rien ; mais ce rien c’est beaucoup. » (B.)