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FABRICE.

M.  Frélon peut vous en instruire, car il en fait ; c’est l’homme du monde qui parle et qui écrit le plus : il est très-utile aux étrangers.

MONROSE, en se promenant.

Je n’en ai que faire.

FABRICE.

Je vais donner ordre que vous soyez bien servi.

(Il sort.)
FRÉLON.

Voici un nouveau débarqué : c’est un grand seigneur, sans doute, car il a l’air de ne se soucier de personne. Milord, permettez que je vous présente mes hommages et ma plume.

MONROSE.

Je ne suis point milord ; c’est être un sot de se glorifier de son titre, et c’est être un faussaire de s’arroger un titre qu’on n’a pas. Je suis ce que je suis : quel est votre emploi dans la maison ?

FRÉLON.

Je ne suis point de la maison, monsieur ; je passe ma vie au café ; j’y compose des brochures, des feuilles ; je sers les honnêtes gens. Si vous avez quelque ami à qui vous vouliez donner des éloges, ou quelque ennemi dont on doive dire du mal, quelque auteur à protéger ou à décrier, il n’en coûte qu’une pistole par paragraphe. Si vous voulez faire quelque connaissance agréable ou utile, je suis encore votre homme.

MONROSE.

Et vous ne faites point d’autre métier dans la ville ?

FRÉLON.

Monsieur, c’est un très-bon métier.

MONROSE.

Et on ne vous a pas encore montré en public, le cou décoré d’un collier de fer de quatre pouces de hauteur ?

FRÉLON.

Voilà un homme qui n’aime pas la littérature.


Scène III.

FRÉLON, se remettant à sa table. Plusieurs personnes paraissent dans l’intérieur du café. MONROSE avance sur le bord du théâtre.
MONROSE.

Mes infortunes sont-elles assez longues, assez affreuses ? Errant, proscrit, condamné à perdre la tête dans l’Écosse, ma