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À MESSIEURS LES PARISIENS.

traduite : en voici une que je soumets aux lumières du charitable lecteur.

My dear translator, mon cher traducteur, you have committed many a blunder in your performance, vous avez fait plusieurs balourdises dans votre traduction : you have quite impoverish’d the character of Wasp, and you have blotted his chastisement at the end of the drama… vous avez affaibli le caractère de Frélon, et vous avez supprimé son châtiment à la fin de la pièce.

Il est vrai, et je l’ai déjà dit[1], que j’ai fort adouci les traits dont l’auteur peint son Wasp (ce mot wasp veut dire frelon) ; mais je ne l’ai fait que par le conseil des personnes les plus judicieuses de Paris. La politesse française ne permet pas certains termes que la liberté anglaise emploie volontiers. Si je suis coupable, c’est par excès de retenue ; et j’espère que messieurs les Parisiens, dont je demande la protection, pardonneront les défauts de la pièce en faveur de ma circonspection.

Il semble que M. Hume ait fait sa comédie uniquement dans la vue de mettre son Wasp sur la scène, et moi j’ai retranché tout ce que j’ai pu de ce personnage ; j’ai aussi retranché quelque chose de milady Alton, pour m’éloigner moins de vos mœurs, et pour faire voir quel est mon respect pour les dames.

M. Fréron, dans la vue de me nuire, dit dans sa feuille, page 114, qu’on l’appelle aussi Frelon, que plusieurs personnes de mérite[2] l’ont souvent nommé ainsi. Mais, messieurs, qu’est-ce que cela peut avoir de commun avec un personnage anglais dans la pièce de M. Hume ? Vous voyez bien qu’il ne cherche que de vains prétextes pour me ravir la protection dont je vous supplie de m’honorer.

Voyez, je vous prie, jusqu’où va sa malice : il dit, page 115, que le bruit courut longtemps qu’il avait été condamné aux galères[3] ; et il affirme qu’en effet, pour la condamnation, elle n’a jamais eu lieu : mais, je vous en supplie, que ce monsieur ait été aux galères quelque temps, ou qu’il y aille, quel rapport cette anecdote peut-elle avoir avec la traduction d’un drame anglais ? Il parle des raisons qui pouvaient, dit-il, lui avoir attiré ce malheur. Je vous jure, messieurs, que je n’entre dans aucune de ces raisons ; il peut y en avoir de bonnes, sans que M. Hume doive s’en inquiéter : qu’il aille aux galères ou non, je n’en suis pas moins le traducteur de

  1. Dans la Préface (voyez pages 409-410).
  2. Voyez l’avertissement pour la présente édition, page 400.
  3. Les mots imprimés en italique sont en effet dans l’Année littéraire. (B.)