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qu’il ait tant de réputation ; et tout ce que j’en fais est pour la gloire de Cérès, et pour le bien de la patrie.

ANITUS.

Allez, dis-je, dépêchez-vous. Eh bien ! Savant Chomos, qu’avez-vous fait ?

CHOMOS.

Monseigneur, n’ayant rien trouvé à reprendre dans les écrits de Socrate, je l’accuse adroitement de penser tout le contraire de ce qu’il a dit ; et je montre le venin répandu dans tout ce qu’il dira[1].

ANITUS.

À merveille. Portez cette pièce au quatrième juge : c’est un homme qui n’a pas le sens commun, et qui vous entendra parfaitement. Et vous, Bertios ?

BERTIOS.

Monseigneur, voici mon dernier journal sur le chaos. Je fais voir adroitement, en passant du chaos aux jeux olympiques, que Socrate pervertit la jeunesse.

ANITUS.

Admirable ! Allez de ma part chez le septième juge, et dites-lui que je lui recommande Socrate. Bon, voici déjà Mélitus, le chef des onze, qui s’avance. Il n’y a point de détour à prendre avec lui : nous nous connaissons trop l’un et l’autre.


Scène VIII.

Anitus, Mélitus.
ANITUS.

Monsieur le juge, un mot. Il faut perdre Socrate.

MÉLITUS.

Monsieur le prêtre, il y a longtemps que j’y pense : unissons-nous sur ce point, nous n’en serons pas moins brouillés sur le reste.

ANITUS.

Je sais bien que nous nous haïssons tous deux : mais, en se détestant, il faut se réunir pour gouverner la république.

  1. Dans son requisitoire du 23 janvier 1759 contre l’EncyClopédie, l’avocat général Joly de Fleury avait dit que s’il n’y avait pas (le venin dans certains articles de l’Encyclopédie, il y en aurait sûrement dans les articles qui n’étaient pas encore faits. Voyez la lettre de Voltaire à d'Alembert du 19 octobre 1704. (B.)