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Les miens sont plus affreux, je les veux terminer.
Je viens pour vous punir, je puis tout pardonner.
Moi, pardonner ! à vous ! Non, craignez ma vengeance :
Je tiens le fils des rois, le vôtre, en ma puissance.
De votre indigne époux je ne vous parle pas ;
Depuis que vous l’aimez, je lui dois le trépas :
Il me trahit, me brave, il ose être rebelle.
Mille morts punissaient sa fraude criminelle :
Vous retenez mon bras, et j’en suis indigné ;
Oui, jusqu’à ce moment, le traître est épargné.
Mais je ne prétends plus supplier ma captive.
Il le faut oublier, si vous voulez qu’il vive.
Rien n’excuse à présent votre cœur obstiné :
Il n’est plus votre époux, puisqu’il est condamné ;
Il a péri pour vous : votre chaîne odieuse
Va se rompre à jamais par une mort honteuse.
C’est vous qui m’y forcez ; et je ne conçois pas
Le scrupule insensé qui le livre au trépas.
Tout couvert de son sang, je devais, sur sa cendre,
À mes vœux absolus vous forcer de vous rendre ;
Mais sachez qu’un barbare, un scythe, un destructeur,
Quelques sentiments dignes de votre cœur.
Le destin, croyez-moi, nous devait l’un à l’autre ;
Et mon âme a l’orgueil de régner sur la vôtre.
Abjurez votre hymen, et, dans le même temps,
Je place votre fils au rang de mes enfants.
Vous tenez dans vos mains plus d’une destinée ;
Du rejeton des rois l’enfance condamnée,
Votre époux qu’à la mort un mot peut arracher,
Les honneurs les plus hauts tout prêts à le chercher,
Le destin de son fils, le vôtre, le mien même,
Tout dépendra de vous, puisque enfin je vous aime.
Oui, je vous aime encor ; mais ne présumez pas
D’armer contre mes vœux l’orgueil de vos appas ;
Gardez-vous d’insulter à l’excès de faiblesse
Que déjà mon courroux reproche à ma tendresse.
C’est un danger pour vous que l’aveu que je fais :
Tremblez de mon amour, tremblez de mes bienfaits,
Mon âme à la vengeance est trop accoutumée ;
Et je vous punirais de vous avoir aimée.
Pardonnez : je menace encore en soupirant ;
Achevez d’adoucir ce courroux qui se rend :