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Leurs jours me répondront de votre obéissance.
Pensez-y ; vous savez jusqu’où va ma vengeance,
Et songez à quel prix vous pouvez désarmer
Un maître qui vous aime, et qui rougit d’aimer[1].


Scène V.

IDAMÉ, ASSÉLI.
idamé

Il me faut donc choisir leur perte ou l’infamie !
Ô pur sang de mes rois ! Ô moitié de ma vie !
Cher époux, dans mes mains quand je tiens votre sort,
Ma voix, sans balancer, vous condamne à la mort !

asséli

Ah ! Reprenez plutôt cet empire suprême
Qu’aux beautés, aux vertus, attacha le ciel même ;
Ce pouvoir, qui soumit ce scythe furieux
Aux lois de la raison qu’il lisait dans vos yeux.
Longtemps accoutumée à dompter sa colère,
Que ne pouvez-vous point, puisque vous savez plaire !

idamé

Dans l’état où je suis c’est un malheur de plus.

asséli

Vous seule adouciriez le destin des vaincus :
Dans nos calamités, le ciel, qui vous seconde,
Veut vous opposer seule à ce tyran du monde ;
Vous avez vu tantôt son courage irrité
Se dépouiller pour vous de sa férocité.
Il aurait dû cent fois, il devrait même encore,
Perdre dans votre époux un rival qu’il abhorre ;

  1. Voici une scène qui pouvait prêter aux allusions : « Vous connaissez le sujet, et vous connaissez la nation, écrivait Voltaire à d’Argental. Il n’est pas douteux que la conduite d’Idamé ne fût regardée comme la condamnation d’une personne (la Pompadour), qui n’est pas Chinoise… L’application que je crains est si aisée à faire, que je n’oserais même envoyer l’ouvrage à la personne qui pourrait être l’objet de cette application. Je vais tâcher de supprimer quelques vers dont on pourrait tirer des interprétations malignes. » Et encore : « Vous croyez bien qu’ils (les partisans de Crébillon) ne manqueront pas de dire que c’est une bravade faite à sa protectrice, et Dieu sait si alors on ne lui fait pas entendre que c’est non-seulement une bravade, mais une offense et une espèce de satire »