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S’il vous fut odieux, le trône a quelques charmes ;
Et le bandeau des rois peut essuyer des larmes[1].
L’intérêt de l’état et de vos citoyens
Vous presse autant que moi de former ces liens.
Ce langage, sans doute, a de quoi vous surprendre :
Sur les débris fumants des trônes mis en cendre,
Le destructeur des rois dans la poudre oubliés
Semblait n’être plus fait pour se voir à vos pieds :
Mais sachez qu’en ces lieux votre foi fut trompée ;
Par un rival indigne elle fut usurpée :
Vous la devez, madame, au vainqueur des humains ;
Témugin vient à vous vingt sceptres dans les mains.
Vous baissez vos regards, et je ne puis comprendre
Dans vos yeux interdits ce que je dois attendre :
Oubliez mon pouvoir, oubliez ma fierté,
Pesez vos intérêts, parlez en liberté.

idamé

À tant de changements tour à tour condamnée
Je ne le cèle point, vous m’avez étonnée :
Je vais, si je le puis, reprendre mes esprits ;
Et, quand je répondrai, vous serez plus surpris.
Il vous souvient du temps et de la vie obscure
Où le ciel enfermait votre grandeur future ;
L’effroi des nations n’était que Témugin ;
L’univers n’était pas, seigneur, en votre main :
Elle était pure alors, et me fut présentée :
Apprenez qu’en ce temps je l’aurais acceptée.

gengis

Ciel ! Que m’avez-vous dit ? Ô ciel ! Vous m’aimeriez !
Vous !

idamé

Vous !J’ai dit que ces vœux, que vous me présentiez,
N’auraient point révolté mon âme assujettie,
Si les sages mortels à qui j’ai dû la vie
N’avaient fait à mon cœur un contraire devoir.
De nos parents sur nous vous savez le pouvoir :
Du dieu que nous servons ils sont la vive image ;

  1. Égée dit à Églé, dans l’opéra de Thésée (I, VIII) :
    C’est peut-être un peu tard m’offrir à vos beaux yeux
    Je ne suis plus au temps de l’aimable jeunesse ;
    Mais je suis roi, belle princesse,
    Et roi victorieux.