Scène VI.
Que le sort m’élevât à ce comble de gloire ?
Je foule aux pieds ce trône, et je règne en des lieux
Où mon front avili n’osa lever les yeux.
Voici donc ce palais, cette superbe ville
Où, caché dans la foule, et cherchant un asile,
J’essuyai les mépris qu’à l’abri du danger
L’orgueilleux citoyen prodigue à l’étranger :
On dédaignait un scythe, et la honte et l’outrage
De mes vœux mal conçus devinrent le partage ;
Une femme ici même a refusé la main
Sous qui, depuis cinq ans, tremble le genre humain.
Quoi ! Dans ce haut degré de gloire et de puissance,
Quand le monde à vos pieds se prosterne en silence,
D’un tel ressouvenir vous seriez occupé !
Mon esprit, je l’avoue, en fut toujours frappé.
Des affronts attachés à mon humble fortune
C’est le seul dont je garde une idée importune.
Je n’eus que ce moment de faiblesse et d’erreur :
Je crus trouver ici le repos de mon cœur ;
Il n’est point dans l’éclat dont le sort m’environne :
La gloire le promet ; l’amour, dit-on, le donne.
J’en conserve un dépit trop indigne de moi ;
Mais au moins je voudrais qu’elle connût son roi ;
Que son œil entrevît, du sein de la bassesse,
De qui son imprudence outragea la tendresse ;
Qu’à l’aspect des grandeurs, qu’elle eût pu partager,
Son désespoir secret servît à me venger.
Mon oreille, Seigneur, était accoutumée
Aux cris de la victoire et de la renommée,
Au bruit des murs fumants renversés sous vos pas,
Et non à ces discours, que je ne conçois pas.