Que tu conserveras dans l’éternel silence
Le secret qu’en ton sein je dois ensevelir.
Jure-moi que tes mains oseront accomplir
Ce que les intérêts et les lois de l’empire,
Mon devoir, et mon dieu, vont par moi te prescrire.
Je le jure, et je veux, dans ces murs désolés,
Voir nos malheurs communs sur moi seul assemblés,
Si, trahissant vos vœux, et démentant mon zèle,
Ou ma bouche ou ma main vous était infidèle.
Allons, il ne m’est plus permis de reculer.
De vos yeux attendris je vois des pleurs couler.
Hélas ! De tant de maux les atteintes cruelles
Laissent donc place encore à des larmes nouvelles !
On a porté l’arrêt ! Rien ne peut le changer !
On presse ; et cet enfant, qui vous est étranger…
Étranger ! Lui ! Mon roi !
Je le sais, j’en frémis : parlez, que dois-je faire ?
On compte ici mes pas ; j’ai peu de liberté.
Sers-toi de la faveur de ton obscurité.
De ce dépôt sacré tu sais quel est l’asile :
Tu n’es point observé ; l’accès t’en est facile.
Cachons pour quelque temps cet enfant précieux
Dans le sein des tombeaux bâtis par ses aïeux.
Nous remettrons bientôt au chef de la Corée
Ce tendre rejeton d’une tige adorée.
Il peut ravir du moins à nos cruels vainqueurs
Ce malheureux enfant, l’objet de leurs terreurs :
Il peut sauver mon roi. Je prends sur moi le reste.
Et que deviendrez-vous sans ce gage funeste ?
Que pourrez-vous répondre au vainqueur irrité ?
J’ai de quoi satisfaire à sa férocité.