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CESAR

Je l’ai servi peut-être, et vous m’aviez connu.
Pétréius est couvert d’une immortelle gloire ;
Le courage et l’adresse ont fixé la victoire ;
Nous n’avons combattu sous ce sacré rempart
Que pour ne rien laisser au pouvoir du hasard,
Que pour mieux enflammer des âmes héroïques,
A l’aspect imposant de leurs dieux domestiques.
Métellus, Muréna, les braves Scipions,
Ont soutenu le poids de leurs augustes noms.
Ils ont aux yeux de Rome étalé le courage
Qui subjugua l’Asie, et détruisit Carthage.
Tous sont de la patrie et l’honneur et l’appui.
Permettez que César ne parle point de lui[1].
Les soldats de Sylla, renversés sur la terre,
Semblent braver la mort, et défier la guerre.
De tant de nations ces tristes conquérants
Menacent Rome encor de leurs yeux expirants.
Si de pareils guerriers la valeur nous seconde,
Nous mettrons sous nos lois ce qui reste du monde.
Mais il est, grâce au ciel, encor de plus grands cœurs,
Des héros plus choisis, et ce sont leurs vainqueurs.
Catilina, terrible au milieu du carnage,
Entouré d’ennemis immolés à sa rage,
Sanglant, couvert de traits, et combattant toujours,
Dans nos rangs éclaircis a terminé ses jours.
Sur des morts entassés l’effroi de Rome expire.
Romain je le condamne, et soldat je l’admire.
J’aimai Catilina ; mais vous voyez mon cœur ;
Jugez si l’amitié l’emporte sur l’honneur[2].

CICERON

Tu n’as point démenti mes vœux et mon estime.

  1. En sortant de la première représentation de Rome sauvée, M. d’Alembert dit à M. de Voltaire: « Il y a dans votre pièce un vers que j’eusse voulu retrancher :
    Permettez que César ne parle point de lui.


    — Si je n’avais eu, répondit l’auteur de la tragédie, que des hommes tels que vous pour spectateurs, je ne l'aurais pas écrit. » (K.) — En f‍ixant ce propos à la première représentation de Rome sauvée, les éditeurs de Kehl entendent parler de la représentation qui eut lieu chez Voltaire même, en 1750. (G. A.)
  2. Tout le cinquième acte, en 1752, fut applaudi, et, surtout pour le rôle de César, il y eut de l’enthousiasme dans le parterre. (G. A.)