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Vous êtes dangereux, vous êtes magnanime.
En me plaignant de vous, je vous dois mon estime.
Partez ; justifiez l’honneur que je vous fais.
Le monde entier sur vous a les yeux désormais.
Secondez Pétréius, et délivrez l’empire.
Méritez que Caton vous aime et vous admire.
Dans l’art des Scipions vous n’avez qu’un rival.
Nous avons des guerriers, il faut un général :
Vous l’êtes, c’est sur vous que mon espoir se fonde :
César, entre vos mains je mets le sort du monde.

CESAR, en l’embrassant

Cicéron à César a dû se confier ;
Je vais mourir, seigneur, ou vous justifier.

(Il sort.)

CATON

De son ambition vous allumez les flammes.

CICERON

Va, c’est ainsi qu’on traite avec les grandes âmes.
Je l’enchaîne à l’état en me fiant à lui ;
Ma générosité le rendra notre appui.
Apprends à distinguer l’ambitieux du traître.
S’il n’est pas vertueux, ma voix le force à l’être.
Un courage indompté, dans le cœur des mortels,
Fait ou les grands héros ou les grands criminels.
Qui du crime à la terre a donné les exemples,
S’il eût aimé la gloire, eût mérité des temples.
Catilina lui-même, à tant d’horreurs instruit,
Eût été Scipion, si je l’avais conduit.
Je réponds de César, il est l’appui de Rome.
J’y vois plus d’un Sylla, mais j’y vois un grand homme.
(se tournant vers le chef des licteurs, qui entre en armes)
Eh bien ! les conjurés ?

LE CHEF DES LICTEURS

Seigneur, ils sont punis ;
Mais leur sang a produit de nouveaux ennemis.
C’est le feu de l’Etna qui couvait sous la cendre ;
Un tremblement de plus va partout le répandre ;
Et si de Pétréius le succès est douteux,
Ces murs sont embrasés, vous tombez avec eux.
Un nouvel Annibal nous assiège et nous presse ;
D’autant plus redoutable en sa cruelle adresse,
Que, jusqu’au sein de Rome, et parmi ses enfants,