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Peut-être as-tu séduit sa malheureuse fille.
Ah ! cruel, ce n’est pas la première famille
Où tu portas le trouble, et le crime, et la mort.
Tu traites Rome ainsi : c’est donc là notre sort !
Et tout couvert d’un sang qui demande vengeance,
Tu veux qu’on t’applaudisse et qu’on te récompense !
Artisan de la guerre, affreux conspirateur,
Meurtrier d’un vieillard, et calomniateur,
Voilà tout ton service, et tes droits, et tes titres.
O vous des nations jadis heureux arbitres,
Attendez-vous ici, sans force et sans secours,
Qu’un tyran forcené dispose de vos jours ?
Fermerez-vous les yeux au bord des précipices ?
Si vous ne vous vengez, vous êtes ses complices.
Rome ou Catilina doit périr aujourd’hui.
Vous n’avez qu’un moment : jugez entre elle et lui.

CESAR

Un jugement trop prompt est souvent sans justice.
C’est la cause de Rome ; il faut qu’on l’éclaircisse.
Aux droits de nos égaux est-ce à nous d’attenter ?
Toujours dans ses pareils il faut se respecter.
Trop de sévérité tient de la tyrannie.

CATON

Trop d’indulgence ici tient de la perfidie.
Quoi ! Rome, est d’un côté, de l’autre un assassin,
C’est Cicéron qui parle, et l’on est incertain ?

CESAR

Il nous faut une preuve ; on n’a que des alarmes.
Si l’on trouve en effet ces parricides armes,
Et si de Nonnius le crime est avéré,
Catilina nous sert, et doit être honoré[1].

(à Catilina)

Tu me connais : en tout je te tiendrai parole.

CICERON

O Rome ! ô ma patrie ! ô dieux du Capitole !

  1. César avait eu, dans sa jeunesse, des liaisons avec Catilina, et ceux qui découvrirent la conspiration à Cicéron nommèrent César parmi les complices, soit
    que réellement il y eut trempé, soit qu’ils eussent voulu augmenter l’importance de leur service en mêlant un grand nom aux noms obscurs ou méprisés des
    autres complices. Mais la conduite de César, pendant la conjuration, f‍it soupçonner qu’il regrettait qu‘elle n’eût pas eu des suites qui auraient pu le rendre nécessaire, et lui ouvrir le chemin à la souveraine puissance. (K.)