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CATILINA.

Vous abusez beaucoup, magistrat d’une année,
De votre autorité passagère et bornée.

CICERON.

Si j’en avais usé, vous seriez dans les fers,
Vous, l’éternel appui des citoyens pervers ;
Vous qui, de nos autels souillant les privilèges,
Portez jusqu’aux lieux saints vos fureurs sacrilèges ;
Qui comptez tous vos jours, et manquez tous vos pas
Par des plaisirs affreux ou des assassinats ;
Qui savez tout braver, tout oser, et tout feindre :
Vous enfin, qui sans moi seriez peut-être à craindre.
Vous avez corrompu tous les dons précieux[1]
Que, pour un autre usage, ont mis en vous les dieux ;
Courage, adresse, esprit, grâce, fierté sublime,
Tout, dans votre âme aveugle, est l’instrument du crime.
Je détournais de vous des regards paternels,
Qui veillaient au destin du reste des mortels.
Ma voix, que craint l’audace, et que le faible implore,
Dans le rang des Verrès ne vous mit point encore ;
Mais, devenu plus fier par tant d’impunité,
Jusqu’à trahir l’État vous avez attenté.
Le désordre est dans Rome, il est dans l’Etrurie ;
On parle de Préneste, on soulève l’Ombrie ;
Les soldats de Sylla, de carnage altérés,
Sortent de leur retraite aux meurtres préparés ;
Mallius en Toscane arme leurs mains féroces ;
Les coupables soutiens de ces complots atroces
Sont tous vos partisans déclarés ou secrets ;
Partout le nœud du crime unit vos intérêts.
Ah ! sans qu’un jour plus grand éclaire ma justice,
Sachez que je vous crois leur chef ou leur complice ;
Que j’ai partout des yeux, que j’ai partout des mains ;
Que malgré vous encore il est de vrais Romains ;
Que ce cortège affreux d’amis vendus au crime
Sentira comme vous l’équité qui m’anime.
Vous n’avez vu dans moi qu’un rival de grandeur,

  1. Crébillon a dit, dans son Catilina, acte II, scène III :

    Encor, si quelquefon vous dalgniez vous contraindre;
    Que. mettant a prolit tant de d ms prm‘ieuv,
    Vous atTectassxez moins un orgueil odieux.