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La crainte quelquefois peut ramener un traître.

CATILINA.

Quoi ! c’est ce plébéien dont Rome a fait son maître !

CICERON.

Avant que le sénat se rassemble à ma voix,

Je viens,
CATILINA.
, pour la dernière fois,

Apporter le flambeau sur le bord de l’abîme
Où votre aveuglement vous conduit par le crime.

CATILINA.

Qui ? vous ?

CICERON.

Moi.

CATILINA.

C’est ainsi que votre inimitié…

CICERON

C’est ainsi que s’explique un reste de pitié.
Vos cris audacieux, votre plainte frivole,
Ont assez fatigué les murs du Capitole.
Vous feignez de penser que Rome et le sénat
Ont avili dans moi l’honneur du consulat.
Concurrent malheureux à cette place insigne,
Votre orgueil l’attendait, mais en étiez-vous digne ?
La valeur d’un soldat, le nom de vos aïeux,
Ces prodigalités d’un jeune ambitieux,
Ces jeux et ces festins qu’un vain luxe prépare,
étaient-ils un mérite assez grand, assez rare,
Pour vous faire espérer de dispenser des lois
Au peuple souverain qui règne sur les rois ?
A vos prétentions j’aurais cédé peut-être,
Si j’avais vu dans vous ce que vous deviez être.
Vous pouviez de l’état être un jour le soutien :
Mais pour être consul, devenez citoyen.
Pensez-vous affaiblir ma gloire et ma puissance,
En décriant mes soins, mon état, ma naissance ?
Dans ces temps malheureux, dans nos jours corrompus,
Faut-il des noms à Rome ? il lui faut des vertus.
Ma gloire (et je la dois à ces vertus sévères)
Est de ne rien tenir des grandeurs de mes pères.
Mon nom commence en moi : de votre honneur jaloux,
Tremblez que votre nom ne finisse dans vous[1].

  1. Voltaire met ici en vers la réponse qu’il fit au chevalier de Rohan. (G. A.)