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ACTE II, SCÈNE IV. 411

CLYTEMNESTRE.

Eh quoi ! deux malheureux en ces heux abordés D’un œil si soupçonneux seraient-ils regardés ?

ÉGISTHE,

On murmure, on m’alarme, et tout me fait ombrage.

CLYTEMXESTRE,

Hélas ! depuis quinze ans c’est là notre partage :

Nous craignons les mortels autant que l’on nous craint :

Et c’est un des poisons dont mon cœur est atteint.

ÉGISTHE, à Pammùne. \llez, dis-je, et sachez quel lieu les a vus naître ; Pourquoi près du palais ils ont osé paraître ; De quel port ils partaient, et surtout quel dessein Les guida sur ces mers dont je suis souverain.

SCÈNE IV.

ÉGISTHE, CLVTEMNESTRE.

ÉGISTHE.

Clytemnestre, vos dieux ont gardé le silence :

En moi seul désormais mettez votre espérance ;

Fiez-vous à mes soins ; vivez, régnez en paix,

Et d’un indigne fils ne me parlez jamais.

Quant au destin d’Electre, il est temps que j’y pense.

De nos nouveaux desseins j’ai pesé l’importance :

Sans doute, elle est à craindre ; et je sais que son nom

Peut lui donner des droits au rang d’Agamemnon ;

Qu’un jour avec mon fils Electre en concurrence

Peut dans les mains du peuple emporter la balance.

Vous voulez qu’aujourd’hui je brise ses liens.

Que j’unisse par vous ses intérêts aux miens ?

Vous voulez terminer cette haine fatale.

Ces malheurs attachés aux enfants de Tantale ?

Parlez-lui ; mais craignons tous deux de partager

La honte d’un refus qu’il nous faudrait venger. Je me flatte avec vous qu’un si triste esclavage

Doit plier de son cœur la fermeté sauvage ;

Que ce passage heureux, et si peu préparé,

Du rang le plus abject à ce premier degré,

Le poids de la raison qu’une mère autorise.

I