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pas. Il me semble qu’il y a une pension sur la cassette attachée à cette place. M. de Condorcet m’apprend cette nouvelle. Je vous pardonne de ne m’en avoir rien dit ; vous avez dû être un peu occupé.

Vous ne mettrez point dans les archives de l’Académie le petit conte[1] que je vous envoie pour vous égayer. On m’écrit que Diderot est l’auteur d’un libelle contre moi, intitulé Réflexions sur la jalousie[2]. Je n’en crois rien du tout ; je l’aime et l’estime trop pour le soupçonner un moment.

Comment va le commerce des lettres avec les rois[3] ? Qui aurons-nous cette année pour confrères ? La Harpe a donné dans le Mercure une dissertation qui me paraît un chef-d’œuvre[4].

Je compte que ma lettre est pour vous et pour M. de Condorcet. J’ai une peine infinie à écrire, je n’en puis plus. Vale, amice.

8528. — À M. MALLET DU PAN.
À Ferney, 24 avril.

Mon cher et aimable professeur, qui ne professerez jamais que la vérité et le noble mépris des impostures et des imposteurs, que vous êtes heureux d’être auprès d’un prince juste[5], bon, éclairé, qui foule aux pieds l’infâme superstition, et qui met la religion dans la vertu ; qui n’est ni papiste, ni calviniste, mais homme, et qui rend heureux les hommes qui lui sont soumis ! Si j’étais moins vieux, je quitterais mes neiges pour les siennes, et mon triste climat pour son triste climat qu’il adoucit, et qu’il rend agréable par ses mœurs et par ses bontés.

Vous avez devant vous une belle carrière ; vous pouvez, en donnant des leçons d’histoire dans un goût nouveau, et en détruisant les mensonges absurdes qui défigurent toutes les histoires, attirer à Cassel un grand nombre d’étrangers qui apprendront à la fois la langue française et la vérité[6]. J’ai eu un ami, nommé M. Audra[7], docteur de Sorbonne, qui méprisait prodi-

  1. La Begueule.
  2. Cette brochure est de Ch.-G. Le Roy. Voyez la réponse qu’y fit Voltaire tome XXVIII, page 489.
  3. Avec le roi de Prusse et l’impératrice de Russie.
  4. Ce morceau, dans le Mercure, tome 1er d’avril, pages 101-150, est intitulé De la Poésie lyrique, ou de l’Ode chez les anciens et les modernes.
  5. Frédéric, landgrave de Hesse-Cassel, qui était en correspondance avec Voltaire depuis 1753.
  6. Voyez lettre 8569.
  7. Voyez tome XI, page 497 ; et XLVI, 235.