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Le plaisant secrétaire d’ambassade que Jean-Jacques ! Voilà un étrange original ; c’est bien dommage qu’il ait fait le Vicaire savoyard. La conversation de ce vicaire méritait d’être écrite par un honnête homme.

J’ai vu, depuis peu, des fatras d’instructions pastorales, d’arrêts contre les instructions, d’arrêts contre les arrêts[1], et de lettres contre les arrêts, et de lettres sur les miracles de Jean-Jacques, et j’ai conclu qu’une tragédie est plus touchante, et que ce qui plaît aux dames est plus agréable ; et j’ai dit dans mon cœur : Il n’y a de bon[2] que de souper avec ses amis, et de se réjouir dans ses œuvres ; et j’ai surtout ajouté que la consolation de la vie consiste à être un peu aimé de ses divins anges, ces divins anges à qui je n’ai pas l’honneur d’écrire de ma main, attendu que je suis retombé dans mes malingreries ; et je ne m’en mets pas moins à l’ombre de leurs ailes.


6126. — À M. THIERIOT.
4 octobre.

Mon ancien ami, je commence à être aussi paresseux que vous l’étiez, ou du moins à le paraître. Je comptais vous écrire par M. Damilaville ; il a heureusement pour moi différé son retour à Paris de jour en jour. Je lui donne ma lettre ; elle vous parviendra comme elle pourra. Deux choses me charment dans ce M. Damilaville, sa raison et sa vertu. Pourquoi faut-il qu’un homme de son mérite languisse dans la perception du vingtième ? Voilà un métier bien indigne de lui.

Mlle Clairon va jouer à Fontainebleau, mais y aura-t-il un Fontainebleau ? On dit que l’indisposition de monseigneur le dauphin dérange ce voyage[3]. Nous autres, pauvres laboureurs du pied des Alpes, nous savons mal les nouvelles de la cour, et nous nous contentons de dire dans nos chaumières : Sanitatem régi da, et sanitatem filio regis.

Je ne connais plus du tout cette Adélaïde dont vous me dites

    ses parents, qui doit être aussi celui dont Voltaire parle dans sa lettre à d’Argental, du 18 avril 1766. On n’a du reste aucune lettre de Voltaire, soit à Saint-Foix, soit à Sainte-Foy. (B.)

  1. Sans doute les condamnations dont il est parlé tome XXV, page 345.
  2. l’Ecclésiaste, chap. iii, verset 22 : « Et deprehendi nihil esse melius quam lætari hominem in opere suo, et hanc esse partem illius. »
  3. Le voyage eut lieu ; il devait finir à la mi-novembre, mais il fut prolongé à cause de la santé du dauphin, qui mourut à Fontainebleau le 20 décembre 1765.