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6511. — À M. DAMILAVILLE.
19 septembre.

Tout ce qui est à Ferney, mon cher frère, doit vous être très-obligé de la lettre pathétique et convaincante que vous nous avez envoyée[1]. Nous pensons tous qu’il n’y a d’autre parti à prendre, après une pareille lettre, que de demander pardon à celui qui l’a écrite. Mais j’avais proposé aux juges de Calas de s’immortaliser en demandant pardon aux Calas, la bourse à la main : ils ne l’ont pas fait.

Je vous ai déjà parlé de la bonté de M. le duc de Choiseul, et de la noblesse de son âme : je vous ai dit avec quel zèle il daigne demander M. Chardon pour rapporteur des Sirven ; il sera notre juge comme il l’a été des Calas ; soyez très-sûr qu’il met sa gloire à être juste et bienfaisant.

Votre attestation, mon cher frère, celle de M. Marin, celle de M. Deodati, me sont d’une nécessité absolue. M. le prince de Soubise a un bibliothécaire qui ramasse toutes les pièces curieuses imprimées en Hollande : ce malheureux recueil de mes prétendues lettres sera sans doute dans sa bibliothèque, s’il n’y est déjà. M. le prince de Soubise le verra, et l’a peut-être vu : un homme de cet état n’a pas le temps d’examiner, de confronter ; il verra les justes éloges que je lui ai donnés tournés en infâmes satires ; il se trouvera outragé, et le contre-coup en retombera infailliblement sur moi.

Ce n’est point Blin de Sainmore qui est l’éditeur de ce libelle ; c’est certainement celui qui a fait imprimer mes Lettres secrètes.

Les trois lettres sur le gouvernement en général, imprimées au devant du recueil, sont d’un style dur, cynique, et plus insolent que vigoureux, affecté depuis peu par de petits imitateurs. Ce n’est point là le style de Blin de Sainmore. On a accusé Robinet[2] ; je ne l’accuse ni ne l’accuserai : je me contenterai de réprimer la calomnie dans les journaux étrangers. Cette démarche est d’autant plus nécessaire que le livre est répandu partout, hors à Paris. Il est heureux du moins de pouvoir détruire si aisément la calomnie.

  1. Il doit s’agir du Certificat qui est tome XXV, pages 580-581. Mais alors comment se fait-il que ce certificat soit daté du 17 septembre ?
  2. Voyez tome XXV, page 579.