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les dames. Ces deux apparitions devaient chasser les idées tristes que donne la méchanceté des hommes ; cependant elles n’ont pu réussir : si quelque chose peut faire cet effet sur moi, c’est votre lettre : elle m’a fait un extrême plaisir. Il m’est bien doux de voir les grands talents et la raison joints à la sensibilité du cœur.

On m’a parlé d’un Artaxerxe[1] qui a, dit-on, du succès. Les pauvres comédiens avaient grand besoin de ce secours. L’opéra-comique est devenu, ce me semble, le spectacle de la nation. Cela est au point que les comédiens de Genève se préparent à venir jouer sur mon petit théâtre un opéra-comique. On dit qu’ils s’en tirent à merveille, mais ils ne peuvent jouer ni une tragédie de Racine, ni une comédie de Molière.

Vous m’annoncez une nouvelle bien agréable, en me flattant que Mlle  Clairon pourrait venir. Je n’ai plus d’acteurs, mon théâtre est perdu pour la tragédie, mais j’aime bien autant sa société que ses talents. Elle se lassera elle-même de la déclamation, et elle sera toujours de bonne compagnie. Ce qu’elle pense et ce qu’elle dit vaut mieux que tous les vers qu’elle récite, surtout les vers nouveaux.

Toute ma petite famille vous remercie tendrement de votre souvenir ; la vôtre doit bien contribuer à la douceur de votre vie. Je me mets aux pieds de madame votre mère et de madame votre sœur. Adieu, monsieur ; conservez-moi une amitié qui me sera toujours chère, et que je mérite par tous les sentiments que vous m’avez inspirés pour toute la vie.


6479. — À M.  LE MARQUIS DE VILLEVIEILLE[2].
31 auguste.

Il est très-vrai, monsieur, qu’il y a eu des ordres sévères à Besançon ; mais vous avez affaire à M.  Ethis, qui est aussi sage que zélé pour la bonne cause.

Je crois que M.  le duc de Choiseul trouvera très-hon le jugement que votre humanité a fait rendre. Il me semble qu’il pense à peu près comme vous sur les déserteurs. On tue inutilement de beaux hommes qui peuvent être utiles, et on n’empêche point la désertion. André Destouche[3] avait raison.

  1. Tragèdie de Le Mierre, jouée le 20 août 1766.
  2. Éditeurs, de Cayrol et François.
  3. Voyez tome XXVI, pages 100-101.