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ANNÉE 1766.

pas si heureux à Paris. Il arrivera bientôt que les provinces prendront leur revanche du mépris que les Parisiens avaient pour elles. Comme on y a moins de dissipation, on y a plus de temps pour lire et pour s’éclairer. Je ne désespère pas que dans dix ans la tolérance ne soit établie à Toulouse. En attendant que le règne de la vérité advienne, je voudrais bien que vous lussiez le mémoire de Beaumont en faveur des Sirven, et que vous voulussiez bien m’en dire votre avis. Ma destinée est de n’être pas content des arrêts des parlements. J’ose ne point l’être de celui qui a condamné Lally ; l’énoncé de l’arrêt est vague et ne signifie rien. Les factums pour et contre ne sont que des injures. Enfin je ne m’accoutume point à voir des arrêts de mort qui ne sont pas motivés ; il y a dans cette jurisprudence welche une barbarie arbitraire qui insulte au genre humain.

Cette lettre n’est pas écrite par mon griffonneur ordinaire ; et je suis si malingre que je ne puis écrire moi-même. Tout ce que je puis faire, c’est de me mettre au bout de vos ailes avec mes sentiments ordinaires, qui sont bien respectueux et bien tendres.


6373. — À M.  DAMILAVILLE.
23 juin.

Mon cher ami, j’ai chez moi actuellement deux bons prêtres, dont l’un est fort connu de vous, et fort digne de l’être : c’est M. l’abbé Morellet. Il est docteur de Sorbonne, comme vous le savez. L’autre n’est que bachelier ; mais l’un et l’autre sont également édifiants. J’espère que l’un d’eux, à son retour à Paris, pourra vous faire tenir quelques-unes des bagatelles amusantes qui ont paru depuis peu à Neuchâtel[1]. Je vous envoie, en attendant, la lettre sur Jean-Jacques[2] que vous me demandiez, et que j’ai enfin retrouvée.

Je me flatte que j’aurai incessamment le mémoire de notre cher Beaumont, ce défenseur infatigable de l’innocence. Le petit discours[3] qu’on a préparé pour seconder ce mémoire n’est fait absolument que pour quelques étrangers qui pourront protéger cette famille infortunée. Il ne réussirait point à Paris, et n’y servirait de rien à la bonté de la cause : c’est uniquement au mémoire juridique qu’il faut s’en rapporter ; c’est de là que dépen-

  1. Les Lettres sur les miracles.
  2. La Lettre au docteur Pansophe ; voyez tome XXVI, page 18.
  3. Voyez une note sur la lettre 6262.