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CORRESPONDANCE.

Franche-Comté ; sa petite femme, qui en sait quelque chose, est à vos pieds ; elle est très-avisée.


6319. — DE M.  HENNIN[1].
À Genève, lundi (22) avril 1766.

Voici, monsieur, tout ce que vous m’avez confié ; je vous en remercie de nouveau.

On vous mande sans doute les changements arrivés chez nous[2]. Me voilà tout dérouté. Ceci me fixe à Genève pour la vie : j’en serai plus intéressé à travailler au bonheur de cette ville et de son voisinage.

La beauté du temps ajoute encore au désir que j’ai d’aller passer quelques jours à Ferney ; mais j’attends des lettres de Paris et de Versailles pour prendre plus librement mon essor vers les montagnes.

Mes respects, je vous prie, monsieur, à vos dames ; j’aspire au moment où je pourrai vous entendre à l’ombre de vos ormeaux. H.


6320. — À M.  MARMONTEL.
23 avril.

Mon cher confrère, j’attends votre Lucain[3], et j’attendrai votre Bélisaire avec plus d’impatience encore, parce qu’il sera entièrement de vous. C’est un sujet digne de votre plume ; il est intéressant, moral, politique ; il présente les plus grands tableaux. Si nous étions raisonnables, je vous conseillerais d’en faire une tragédie[4]. Je soutiendrai toujours que vous étiez destiné à en faire d’excellentes, et que ceux qui vous ont dégoûté sont coupables envers la nation.

Vous n’irez donc point en Pologne avec Mme  Geoffrin ? Cependant, quand la reine de Saba alla voir Salomon, elle avait assurément un écuyer ; vous feriez un voyage charmant, mais je voudrais que vous passassiez par chez nous.

Il est très-vrai que la raison perce, même en Italie, et que le Nord commence à corriger le Midi. Les progrès sont lents, mais enfin les nuages se dissipent insensiblement de tous côtés ; les

  1. Correspondance inédite de Voltaire avec P.-M. Hénnin, 1825.
  2. Le duc de Praslin venait de quitter le ministère des affaires étrangères pour passer à la marine ; il était remplacé par le duc de Choiseul, qui conservait en même temps le département de la guerre, qu’il avait déjà. (Note de Hennin fils.)
  3. Marmonlel a publié presque en même temps son Bélisaire, 1766, in-8o, et la Pharsale de Lucain, traduite en français, 1766, deux volumes in-8o.
  4. Jouy a donné, en 1818, une tragédie de Bélisaire.