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ANNÉE 1766.

paru, par sa lettre, un drôle de prêtre : c’est tout ce que j’en sais.

La petite tracasserie avec M. Dupuits doit être entièrement finie : je ne la connaissais pas. Vous savez que je passe ma vie dans mon cabinet pendant qu’on médit dans le salon, M. Dupuits est en Franche-Comté : il en reviendra bientôt. Mon premier soin sera de l’instruire de vos bontés ; et comme il sait mieux l’orthographe que madame sa femme, il ne manquera pas de vous écrire dès qu’il sera de retour.

Au reste, mademoiselle, je crois que, dans le siècle où nous vivons, il n’y a rien de mieux à faire que de se tenir chez soi, et de cultiver les arts pour sa propre satisfaction, sans se compromettre avec le public. Il n’y a plus de cour, et le public de Paris est devenu bien étrange. Le siècle de Louis XIV est passé ; mais il n’y a point de siècle que vous n’eussiez honoré.

Mme Denis vous fait mille tendres compliments. Je ne vous parle pas de mes sentiments pour vous ; je n’ai pas assez d’éloquence,


6317. — À M. SUARD[1].

J’ai lu ce que vous avez dit
De mes lambeaux épistolaires ;
Les louanges ne me sont chères
Que par la main qui les écrit.
Combien les vôtres sont légères !
Déjà l’amour-propre aux aguets
Venait me tendre ses filets,
Et me bercer de ses chimères ;
Soudain, avec dextérité,
Une critique délicate,
Et que j’approuve et qui me flatte,
Me vient offrir la vérité.
Que vous la rendez séduisante !
J’ai cru la voir dans sa beauté ;
Elle n’a Jamais d’âpreté
Quand c’est le goût qui la présente.
Sous nos berceaux l’arbre étalé
Doit sa vigueur à la nature ;
Mais il doit au moins sa parure
Aux soins de l’art qui l’a taillé.
J’aime l’éloge et je l’oublie,

  1. Ch. Nisard, Mémoires et Correspondances historiques et littéraires ; Paris, 1858, page 59.