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ANNÉE 1766.

voyer chercher, et de lui proposer de se mettre en curatelle sous sa petite femme ? Il se fait payer ses rentes d’avance, dépense tout sans savoir comment, mange à crédit, se vêtit à crédit, et cependant il n’est point interdit encore. Pardon, encore une fois, de ma complainte : notre petite Dupuits est désespérée ; sa conduite est aussi prudente que celle de son père est insensée. Agésilas, Attila, et Suréna, ne sont pas des pièces plus mal faites que la tête du jeune Pierre.

Respect et tendresse.


6303. — À MADEMOISELLE CLAIRON[1].
Ferney, 30 mars.

Vous allez être un peu surprise, mademoiselle ; je vous demande une cure. Vous allez croire que c’est la cure de quelque malade pour qui je vous prierais de parler à M. Tronchin, ou la cure de quelque esprit faible que je recommanderais à votre philosophie, ou la cure de quelque pauvre amant à qui vos talents et vos grâces auraient tourné la tête : rien de tout cela ; c’est une cure de paroisse. Un drôle de corps de prêtre du pays de Henri IV, nommé Doleac, demeurant à Paris, sur la paroisse Sainte-Marguerite, meurt d’envie d’être curé du village de Cazeaux. M. de Villepinte donne ce bénéfice. Le prêtre a cru que j’avais du crédit auprès de vous, et que vous en aviez bien davantage auprès de M. de Villepinte ; si tout cela est vrai, donnez-vous le plaisir de nommer un curé au pied des Pyrénées, à la requête d’un homme qui vous en prie du pied des Alpes. Souvenez-vous que Molière, l’ennemi des médecins, obtint de Louis XIV un canonicat pour le fils d’un médecin.

Les curés qui ont pris la liberté de vous excommunier nous canoniseront quand ils sauront que c’est vous qui donnez des cures. Je voudrais que vous disposassiez de celle de Saint-Sulpice.

Je ne sais pas quand vous remonterez sur le jubé de votre paroisse. Vous devriez choisir, pour votre premier rôle, celui de lire au public la déclaration du roi en faveur des beaux-arts contre les sots ; c’est à vous qu’il appartient de la lire[2].

  1. Une mauvaise version de cette lettre, et sous la date de 1769, a été imprimée dans l’Almanach littéraire, 1790, page 158. (B.)
  2. M. de Voltaire sollicitait vivement une déclaration du roi qui rendit aux comédiens l’état de citoyen, et qui les affranchit de l’excommunication lancée au-