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CORRESPONDANCE.

excepte l’Angleterre. À ce compte, il n’y aurait guère que deux mille sages en France ; mais ces deux mille, en dix ans, en produisent quarante mille, et c’est à peu près tout ce qu’il faut : car il est à propos que le peuple soit guidé, et non pas qu’il soit instruit ; il n’est pas digne de l’être.

J’ai lu Henri IV[1] : je pense comme vous ; mais je crois que, si on permettait la représentation de ce petit ouvrage, il serait joué trois mois de suite, tant on aime mon cher Henri IV ! Et je ne vois pas pourquoi on prive le public d’un ouvrage fait pour des Français.

Pourriez-vous, mon cher ami, m’envoyer le Philosophe sans le savoir[2] ? J’ai bien de la peine à écrire de ma main. Wagnière est malade, et un autre copiste est occupé.

Voici une petite lettre pour Laleu[3], et une autre pour Briasson, qui me néglige. Mais parlez-moi donc du Dictionnaire ; les souscripteurs l’ont-ils ? maître Baudet s’oppose-t-il à la publication ? Les Baudets ne passeront pas les trois petits volumes de Mélanges[4]. Il faudra du temps, il faudra attendre qu’il y ait quarante mille sages.


6297. — À M. LE CHEVALIER DE TAULÈS[5],
SECRÉTAIRE D’AMBASSADE À GENÈVE.
À Forney, 19 mars, par la commodité de M. Souchai,
marchand de drap, au Lion d’or, à Genève.

Quand je n’avais que soixante ans, monsieur, vous m’auriez vu venir à cheval au-devant de monsieur l’ambassadeur ; mais j’en ai soixante-douze passés, et il y a plus d’un an que je ne suis pas en état de sortir de ma chambre ; je m’adresse à vous hardiment pour faire agréer mes excuses et mon respect. Je prends cette liberté avec vous, parce que je vous ai obligation. On m’a dit, monsieur, que c’est à vous que je dois quelques

  1. La partie de chasse de Henri IV, par Collé.
  2. Comédie de Sedaine.
  3. La lettre à Delaleu, notaire, est perdue, ainsi que celle à Briasson.
  4. Voyez la note sur la lettre 6262, page 214.
  5. Le chevalier de Taulès, né en Béarn, était entré, en 1754, dans les gendarmes de la garde du roi, et quelques années après dans les bureaux des affaires étrangères. Il fut, en 1766, nommé secrétaire auprès de M. de Beauteville, qui avait été nommé médiateur, au nom de la France, dans les querelles de Genève. Il eut depuis différentes missions. Mais sa santé le força, en 1779, à demander sa retraite. Il est mort en 1820, laissant en manuscrit un ouvrage sur l’Homme au masque de fer, qui a été publié en 1825, in-8o. (B.)