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du temps de César, le tout se montait à 305,000. Mais il y a du plaisir à se plaindre, et il y aura toujours des gens riches qui diront que le temps est dur.

Vous ne me dites plus rien de Bigex : vous ne me parlez plus de ce que vous me destiniez pour le carême. Mandez-moi, je vous en prie, pourquoi vous n’avez pas à Paris ce que j’ai à Neuchâtel. J’ose me flatter qu’une telle rigueur ne peut pas durer.

Embrassez pour moi tendrement Platon et Protagoras ; dites les choses les plus tendres à M. de Beaumont. Ma santé est toujours fort chancelante ; je n’ai plus d’estomac : il me reste un cœur qui vous aimera jusqu’au dernier moment. Écr. l’inf…


6277. — À M. LE DUC DE CHOISEUL[1].

Mon colonel, mon protecteur Messala, c’est pour le coup que je me jette très-sérieusement à vos pieds ; ayez la bonté de lire jusqu’au bout.

Je vous dois tout, car c’est vous qui avez rendu ma petite terre libre ; c’est vous qui avez marié Mlle Corneille, et qui avez tiré son père de la misère par les générosités du roi et les vôtres, et celles de Mme la duchesse de Grammont.

C’est par vous que mon désert horrible a été changé en un séjour riant ; que le nombre des habitants est triplé, ainsi que celui des charrues, et que la nature est changée dans ce coin, qui était le rebut de la terre. Après ces bienfaits répandus sur moi, vous savez que je ne vous ai rien demandé que pour des Genevois ; car que puis-je demander pour moi-même ? je n’ai que des grâces à vous rendre.

Jean-Jacques Rousseau seul a troublé la paix de Genève et la mienne ; Jean-Jacques, le précepteur des rois et des ministres, qui a imprimé, dans son Contrat insocial, « qu’il n’y a, à la cour de France, que de petits fripons qui obtiennent de petites places par de petites intrigues[2] », Jean-Jacques, qui veut que l’héritier du royaume épouse la fille du bourreau[3], si elle est jolie ; Jean-Jacques, qui s’imagine follement que j’avais engagé le conseil de

  1. Dans une récente édition des Œuvres de Voltaire, on a placé cette lettre au mois de novembre. Les éditeurs de Kehl l’avaient mise en février, et je m’en tiens à leurs dispositions. (B.) — Cette lettre à Choiseul doit avoir été écrite vers le même temps que le n° 6269, plutôt que huit mois après.
  2. Contrat social, livre III, chapitre vi.
  3. Émile, livre V.