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leurs talents sur le théâtre. Nous avons encore le catalogue des prêtres qui desservaient le temple d’Auguste à Lyon ; on y trouve un comédien.

Lorsque le christianisme prit le dessus, on s’éleva contre les théâtres consacrés aux dieux. Saint Grégoire de Nazianze leur opposa des tragédies tirées de l’Ancien et du Nouveau Testament. Cette mode barbare passa en Italie ; de là nos mystères ; et ce terme de mystère devint tellement propre aux pièces de théâtre que les premières tragédies profanes que l’on fit dans le jargon welche furent aussi appelées mystères.

Vous verrez d’un coup d’œil, monsieur, ce qu’il faut adopter ou retrancher de tout ce fatras d’érudition comique.

Mais je vous prie de ne point mettre dans le projet de déclaration : Voulons et nous plaît que tout gentilhomme et demoiselle puisse représenter sur le théâtre, etc. ; cette clause choquerait la noblesse du royaume. Il semblerait qu’on inviterait les gentilshommes à être comédiens ; une telle déclaration serait révoltante. Contentons-nous d’indiquer cette permission, sans l’exprimer, d’autant plus qu’il n’est point du tout prouvé que Floridor fût gentilhomme. Il se vantait de l’être, il ne le prouva jamais ; on le favorisa, on ferma les yeux. Ce qui peut d’ailleurs se dire historiquement ne peut se dire quand on fait parler le roi. Il faut tâcher de rendre l’état de comédien honnête, et non pas noble.

Je vous demande pardon, monsieur, de tout ce que je viens de dicter à la hâte ; vous le rectifierez. J’insiste sur l’infamie prononcée contre les mathématiciens ; cet exemple me paraît décisif. Nos mathématiciens, nos comédiens, ne sont point ceux qui encoururent quelquefois par les lois romaines une note d’infamie ; certainement cette infamie qu’on objecte n’est qu’une équivoque, une erreur de nom.

Je finis comme j’ai commencé, par vous remercier, et par vous dire combien je vous estime. Agréez les respectueux sentiments de votre, etc.


6260. — À M.  MOULTOU[1].
Ferney, 4 février 1766.

Vous m’avez écrit, mon cher philosophe, d’un climat doux et tempéré, d’un beau pays où tout le monde danse. Je vous réponds de la Sibérie, du milieu des neiges et du voisinage d’une

  1. Éditeur, A. Coquerel.