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Seigneur ; il ne parle point éternellement d’aspics et de basilics. Ce qui me plaît surtout de lui, c’est que dans toutes ses épîtres il n’y a pas une seule pensée qui ne soit vraie ; son imagination ne s’égare point. La justesse est le fonds de son esprit ; et en effet, sans justesse il n’y a ni esprit ni talent.

Je prends la liberté de lui envoyer[1] un caillou du Rhin pour un boisseau de diamants. Voilà les seuls marchés que je puisse faire avec lui.

Les dévotes de Versailles n’ont pas été trop contentes du peu de confiance que j’ai en sainte Geneviève ; mais le monarque philosophe prendra mon parti.

Puisque les aventures de Neuchâtel l’ont fait rire, en voici d’autres[2] que je souhaite qui l’amusent. Comme ce sont des affaires graves qui se passent dans ses États, il est juste qu’elles soient portées au tribunal de sa raison.

Il y a en France un nouveau procès tout semblable à celui des Calas[3] ; et il paraîtra dans quelque temps un mémoire signé de plusieurs avocats, qui pourra exciter la curiosité et la sensibilité. On verra que nos papistes sont toujours persuadés que les protestants égorgent leurs enfants pour plaire à Dieu. Si Sa Majesté veut avoir ce mémoire, je la supplie de me faire dire par quelle voie je dois l’adresser. J’ignore s’il le faut mettre à la poste, ou le faire partir par les chariots d’Allemagne.


6253. — À M.  ÉLIE DE BEAUMONT.
Ferney, 1er février.

Je vous assure, monsieur, qu’un des beaux jours de ma vie a été celui où j’ai reçu le mémoire que vous avez daigné faire pour les Sirven. J’étais accablé de maux ; ils ont tous été suspendus. J’ai envoyé chercher le bon Sirven, je lui ai remis ces belles armes avec lesquelles vous défendez son innocence ; il les a baisées avec transport. J’ai peur qu’il n’en efface quelques lignes avec les larmes de douleur et de joie que cet événement lui fait répandre. Je lui ai confié votre mémoire et vos questions ; il signera, et fera signer par ses filles, la consultation ; il paraphera toutes les pages, ses filles les parapheront aussi ; il rap-

  1. l’Épître à Henri IV.
  2. On venait de brûler l’Abrégé de l’Histoire ecclésiastique de Fleury, dont l’Avant-propos est de Frédéric. Voyez la note, tome XXVII, page 284.
  3. L’affaire de Sirven ; voyez tome XXV, page 517.