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devais lui faire du mal, parce qu’il avait voulu m’en faire, et peut-être parce qu’il lui était revenu que je trouvais son Héloïse pitoyable, son Contrat social très-insocial, et que je n’estimais que son Vicaire savoyard dans son Émile : il n’en faut pas d’avantage dans un auteur pour être attaqué d’un violent accès de rage. Le singulier de toute cette affaire-ci, c’est que les petits troubles de Genève n’ont commencé que par l’opinion inspirée par Jean-Jacques au peuple de Genève que j’avais engagé le conseil de Genève à donner un décret de prise de corps contre Jean-Jacques, et que la résolution en avait été prise chez moi, aux Délices. Parlez, je vous prie, de cette extravagance à Tronchin, il vous mettra au fait ; il vous fera voir que Rousseau est non-seulement le plus orgueilleux de tous les écrivains médiocres, mais qu’il est le plus malhonnête homme.

J’ai été tenté quelquefois d’écrire au conseil de Genève pour démentir solennellement toutes ces horreurs, et peut-être je succomberai à cette tentation ; mais j’aime bien mieux la déclaration que me donnèrent, il y a quelque temps, les syndics de la noblesse et du tiers état de notre province, les curés et les prêtres de mes terres, lorsqu’ils surent qu’il y avait, je ne sais où, des gens assez malins pour m’accuser de n’être pas bon chrétien. Je conserve précieusement cette pièce authentique, et je m’en servirai, si jamais la tolérance n’est pas établie en France comme en Russie.

Adieu, anges cruels, qui ne voulez voir ni les Alpes ni le mont Jura ; je ne m’en mets pas moins à l’ombre de vos ailes.


6246. — À M.  DAMILAVILLE.
25 janvier.

Mon cher frère, vous souvenez-vous d’un certain mandement de l’archevêque de Novogorod, que je reçus de Paris la veille de votre départ ? J’en ignore l’auteur, mais sûrement c’est un prophète.

Figurez-vous que la lettre de M.  le prince de Gallilzin en renfermait une de l’impératrice qui daigne m’apprendre qu’en effet l’archevêque de Novogorod a soutenu hautement le vrai système de la puissance des rois[1] contre la chimère absurde des deux

  1. Une copie qui m’est parvenue récemment de la lettre de Catherine, du 17-28 novembre 1765 (n° 6167 ; voyez page 123), contenait, après le second alinéa, le passage inédit que voici :

    « Les sujets de l’Église souffrant des vexations souvent tyrannique, auxquelles