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rai avoir de quoi vivre sans recourir aux autres marchands, qui ne débitent que des drogues assez inutiles. Je sais fort bien aussi qu’il y a des drogues dans le gros magasin que j’attends, et que tout n’est pas des bons faiseurs ; mais le bon l’emportera tellement sur le mauvais qu’il faudra bien que les plus difficiles soient contents.

Tronchin m’a demandé aujourd’hui des nouvelles de votre gorge ; je me flatte que vous m’en apprendrez de bonnes. Ma santé est toujours bien faible, et les pluies dont nous sommes inondés ne la fortifient pas.

Adieu, mon vertueux ami ; soutenez la vertu, confondez la calomnie, et écrasez cette infâme.


6148. — À MADAME LA MARQUISE DE FLORIAN.
7 novembre.

Ma chère nièce, voici un gros paquet que Mme  la duchesse d’Enville a bien voulu vous faire parvenir[1]. Vous y trouverez d’abord une lettre de M. le comte de Schouvalow pour M. de Florian, et un paquet pour Mme  du Deffant, que je vous supplie de lui faire tenir comme vous pourrez, et le plus tôt que vous pourrez.

Je ne sais pas trop quand vous recevrez tout cela, car nous sommes inondés ; les ponts sont emportés, les coches de Lyon se noient dans la rivière d’Inn ; nous voilà séparés du reste du monde, mais je m’aperçois seulement que je suis séparé de vous. Vous m’aviez accoutumé à une vie fort douce.

On ne sait point encore quand M. Tronchin ira s’établir à Paris ; il semble qu’il redoute d’y être consulté sur la maladie de monsieur le dauphin. Les nouvelles de cette maladie varient tous les jours ; mais je m’imagine toujours que le péril n’est pas pressant, puisque les spectacles continuent à Fontainebleau.

Je n’ai point vu Mlle  Clairon sur la liste des plaisirs ; il semble qu’on ait voulu lui faire croire qu’on pouvait se passer d’elle. Vous allez avoir, à la Saint-Martin, l’opéra-comique, le parlement et le clergé. Tout cela sera fort amusant ; mais si vous êtes un peu philosophe, vous vous plairez davantage à la conversation de MM. Diderot et Damilaville.

Je ne sais si vous savez que Jean-Jacques Rousseau a été

  1. Cette lettre avait été remise à Mme  la duchesse d’Enville, dont le départ fut retardé de jour en jour ; voyez lettre 6138.